Le Tribunal fédéral, dans un arrêt du 19 mai 2015 (8C_395/2014), juge qu’un ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ayant perdu le bénéfice d’une autorisation de séjour de courte durée à la suite d’une résiliation anticipée de son contrat de travail en raison d’une détention provisoire n’est pas considéré comme un travailleur, mais comme un chercheur d’emploi au sens de l’ALCP et ne peut donc bénéficier de l’aide sociale, en particulier du revenu d’insertion. La circonstance que ce ressortissant avait bénéficié par le passé de plusieurs autorisations de séjour de courte durée n’est pas de nature à modifier cette conclusion.
Le recourant, un ressortissant français, a bénéficié de plusieurs autorisations de séjour avec activité lucrative de courte durée successives (permis L) de 2007 à 2013. Il travaillait dans le cadre de missions temporaires dans le canton de Vaud. D’avril à juin 2013, il a été mis en détention provisoire dans le cadre d’une procédure pénale à son encontre. Etant dans l’impossibilité d’exercer une activité, il ne disposait pas de revenu. A la fin de sa détention provisoire, il a pu bénéficier d’un nouveau permis L et exercer de nouveau une activité. Il a sollicité l’octroi d’une assistance financière pour ces trois mois d’inactivité.
Le Centre social du canton de Vaud rejeta l’octroi du bénéfice du revenu d’insertion pour ce recourant. Celui-ci déféra cette décision devant le Service de prévoyance et d’aides sociales du canton de Vaud qui rejeta la demande d’aide financière ainsi qu’une demande d’assistance judiciaire. Le recourant intenta donc un recours contre cette décision devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Il essuya un nouveau rejet. Il déposa donc un nouveau recours devant le Tribunal fédéral en matière de droit public et subsidiairement un recours constitutionnel.
Le Tribunal fédéral rappelle que l’octroi de l’aide aux personnes dans le besoin relève essentiellement de la compétence cantonale en droit suisse. Le revenu d’insertion susceptible d’être octroyé par le canton de Vaud est accordé à toute personne qui se trouve dépourvue de moyens nécessaires pour satisfaire les besoins vitaux et d’autres besoins personnels spécifiques importants (article 34 de la loi du 2 décembre 2003 sur l’action sociale vaudoise, ci-après LASV). La loi sur l’action sociale vaudoise ne s’applique pas en principe aux ressortissants des Etats membres de l’Union européenne à la recherche d’un emploi et titulaires d’une autorisation de séjour de courte durée (article 4, alinéa 2, LASV). Les juges du Tribunal cantonal du canton de Vaud ont conclu que le recourant ne relevait d’aucune des situations prévues par les directives du Département cantonal de la santé et de l'action sociale (DSAS) pour l'année 2013, lesquelles précisent les conditions d’octroi du revenu d’insertion aux ressortissants des Etats membres de l’Union titulaires de permis de séjour de courte durée. Le recourant avait bien perdu son emploi mais sans que cela soit dû à une maladie ou à une invalidité. De plus, il n’était pas bénéficiaire de prestations d’assurance chômage. De fait, il ne bénéficiait plus de la qualité de travailleur. Il devait donc être considéré comme étant à la recherche d’un emploi. Par conséquent, il ne pouvait pas bénéficier de la garantie d’égalité de traitement prévue pour les travailleurs à l’article 9 de l’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes(ci-après ALCP). Celle-ci permet en effet aux travailleurs de la partie contractante de bénéficier des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et les membres de leur famille de l’autre partie contractante. Au contraire, le recourant fait valoir qu’il pouvait être considéré comme un travailleur étant donné , d’une part, qu’il avait toujours travaillé en Suisse de façon régulière et, d’autre part, qu’il avait trouvé un emploi dès la sortie de sa détention provisoire et avait ainsi bénéficié d’un nouveau permis de courte durée.
Le Tribunal fédéral devait donc répondre à la question principale de savoir si le recourant pouvait être considéré comme un travailleur au sens de l’article 9, paragraphe 2, annexe I, de l’ALCP. Il indique en premier lieu que le revenu d’insertion délivré par la législation vaudoise doit être considéré comme un avantage social au sens de l’article 9, paragraphe 2, annexe I, ALCP. A ce titre, il fait référence à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union Vera Hoeckx de 1985 (Aff. C-249/83), lequel considère qu’une prestation sociale garantissant de façon générale un minimum de moyens d’existence constitue, précisément, un avantage social.
Le Tribunal fédéral rappelle la distinction entre le permis B octroyé à un travailleur salarié qui occupe un emploi d’une durée égale ou supérieure à un an, valable pour une durée de 5 ans renouvelable, et le permis L, octroyé à un travailleur salarié qui occupe un emploi d’une durée supérieure à trois mois et inférieur à un an, valable pour la période du contrat. Si l’article 9, paragraphe 2, annexe I, ALCP prévoit une égalité de traitement entre travailleurs, il autorise également la Suisse à exclure d’autres catégories de personnes, dont les chercheurs d’emploi au sens de l’article 2, paragraphe 1, alinéa 2, annexe I, ALCP. Le Tribunal définit les chercheurs d’emploi comme les ressortissants d’une partie contractante qui se rendent sur le territoire d’une autre partie pour y trouver un travail et également ceux qui y ont déjà travaillé pour une durée inférieure à douze moi et y demeurent afin de retrouver un emploi.
Le Tribunal fédéral constate qu’en l’espèce, le recourant était au bénéfice d’une autorisation de séjour de courte durée. La durée de validité du permis correspondait donc à la durée du contrat de travail. Placé en détention provisoire, il avait perdu son emploi. Il ne se trouvait donc pas en situation de chômage au sens de l’article 6, paragraphe 6, annexe I, ALCP. Sa situation était assimilable à celle d’un chercheur d’emploi et il pouvait être exclu du bénéfice de l’égalité de traitement offert aux travailleurs et donc du bénéfice de l’aide sociale. Le Tribunal fédéral précise que la circonstance selon laquelle le recourant avait obtenu plusieurs permis de courte durée successivement ne changeait pas la situation car il était considéré au terme de chacun des contrats de courte durée comme un chercheur d’emploi.
Le Tribunal fédéral rejette l’argument du recourant relatif à une violation de l’article 60, alinéa 1, de la Constitution du canton de Vaud, selon lequel l’Etat et les communes assurent à chaque personne habitant dans le canton les conditions d’une vie digne par la prévention de l’exclusion professionnelle et sociale, par une aide sociale en principe non remboursable et par des mesures de réinsertion. Le Tribunal fédéral fait référence à l’article 106, alinéa 2, de la loi du Tribunal fédéral selon lequel ce dernier n’examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant. Le Tribunal fédéral considère que le recourant n’a pas motivé suffisamment ce moyen en ce sens qu’il n’expose pas suffisamment quelle est la portée des dispositions qu’il invoque ni quels sont les droits constitutionnels qu’il pourrait en tirer.
Enfin, le Tribunal fédéral rejette la contestation du refus de l’assistance judiciaire. Il rappelle en effet que, dans le domaine de l’aide sociale, la nécessité d’une représentation par un avocat en procédure administrative ne doit être admise qu’avec retenue dès lors qu’il s’agit avant tout pour l’intéressé de fournir des indications relatives à sa situation personnelle et/ou à celle de ses proches. Le Tribunal constate qu’en l’espèce le recourant pouvait accomplir lui-même les démarches auprès des autorités dispensatrices de l’aide sociale.
Il eut été délicat pour le Tribunal fédéral de qualifier le recourant de travailleur ou de chômeur au sens de l’ALCP. Toutefois, il semble que le Tribunal fédéral a choisi une interprétation large de la notion de chercheur d’emploi.
Lucie Vétillard, "Un chercheur d’emploi au sens de l’ALCP ne peut bénéficier de l’aide sociale selon le Tribunal fédéral ", actualité du 4 juin 2015, http://www.ceje.ch/.