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La portée du permis suisse de type C dans l’espace Schengen

Mihaela Nicola , 8 juin 2009

Le 2 avril 2009, la Cour de justice des Communautés européennes s’est penchée sur un cas qui concerne la Suisse en relation avec le droit des ressortissants des pays tiers, détenteurs d’un titre de séjour suisse de type C, de transiter et de séjourner sur le territoire des Etats membres.

Depuis juin 1993, M. Kqiku, ressortissant serbo-monténégrin, est titulaire d’un livret pour étrangers de type C, délivré par la Confédération suisse. En août 2006, il a effectué un séjour de deux jours en Allemagne, après lequel il est rentré en Suisse. En vue de son séjour en Allemagne, M. Kqiku n’a présenté aucune demande de visa, il était muni uniquement de son passeport, de son permis de séjour ainsi que de son permis de conduire.

Les dispositions applicables de la loi allemande relative au séjour, au travail et à l’intégration des étrangers prévoient l’obligation pour les ressortissants étrangers de détenir un titre de séjour, à moins que le droit de l’Union européenne ou un décret n’en dispose autrement. L’Oberlandsgericht Karlsruhe a posé une question préjudicielle à la Cour de justice aux fins de déterminer si la décision n° 896/2006 instituant un système de reconnaissance unilatérale par les Etats membres des titres de séjour délivrés par la Confédération suisse et par la Principauté de Liechtenstein aux fins de transit par leur territoire, a pour effet d’exempter M. Kqiku de l’obligation de visa prévue par le règlement n° 539/2001.

La Cour rappelle qu’en vertu de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement n° 539/2001 fixant la liste des pays tiers dont les ressortissants sont soumis à l’obligation de visa pour franchir les frontières extérieures des Etats membres et les exemptions de cette obligation, les ressortissants de la République fédérale de Yougoslavie (Serbie-Monténégro) doivent être munis d’un visa lors du franchissement des frontières extérieures des Etats membres. L’article 2 de ce règlement établit une distinction entre les visas de court séjour et les visas de transit. Les premiers visent les séjours dont la durée totale n’excède pas trois mois, tandis que les seconds sont délivrés aux fins d’un transit par l’espace Schengen, dont la durée ne peut pas dépasser cinq jours. Cette distinction est également opérée par la Convention d’application de l’accord de Schengen, du 14 juin 1985.

Conformément à l’article 1er de la décision n° 896/2006, les titres de séjour délivrés par la Suisse et le Liechtenstein sont reconnus par les Etats membres « comme équivalant à leur visa uniforme ou à leurs visas nationaux aux fins de transit ». Selon la Cour de justice, cet article doit être interprété en ce sens que les titres de séjour énumérés dans l’annexe de cette décision et dont fait partie le livret suisse de type C produisent, par le biais de la reconnaissance des Etats membres, les effets juridiques d’un visa autorisant uniquement le transit par l’espace Schengen.

La Cour de justice fonde cette interprétation sur la finalité de la décision n° 896/2006, telle qu’elle ressort de ses considérants. Eu égard au troisième considérant de la décision, le système de reconnaissance institué par la décision aurait pour objectif de simplifier le contrôle des ressortissants des pays tiers qui sont tenus de demander un visa pour pouvoir retourner dans leur pays d’origine lorsqu’ils transitent par l’espace commun. Ce régime de contrôle simplifié vise, conformément au cinquième et sixième considérant de la décision, à résoudre la situation que connaissent les bureaux consulaires des Etats membres en Suisse et au Liechtenstein, face à la surcharge administrative de traitement de demandes de visa. Compte tenu de ces objectifs, la Cour de justice s’attache à une interprétation restrictive du septième considérant de la décision qui stipule que la reconnaissance des titres de séjour délivrés par la Suisse et le Liechtenstein « devrait être limitée aux fins de transit et ne devrait pas affecter la possibilité pour les Etats membres de délivrer des visas de court séjour ». Par conséquent, elle n’étend pas les effets de la reconnaissance des titres de séjour mentionnés dans l’annexe de la décision n° 896/2006 aux entrées sur le territoire des Etats membres aux fins de séjour.

En l’état actuel du droit, la solution du cas d’espèce aurait abouti à un résultat différent. Depuis le 12 décembre 2008, date d’entrée en vigueur opérationnelle pour les frontières terrestres de l’Accord entre la Confédération suisse, l’Union européenne et la Communauté européenne sur l’association de la Confédération suisse à la mise en oeuvre, à l’application et au développement de l’acquis de Schengen, la Suisse est tenue, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, de cet accord, d’appliquer les dispositions de l’acquis de Schengen énumérées à l’annexe A de l’accord. En application de l’article 21 de la Convention d’application de Schengen, les ressortissants des Etats tiers, en possession d’un titre de séjour délivré par l’une des parties contractantes, peuvent circuler librement dans l’espace Schengen, à condition que la période de séjour ne dépasse pas trois mois et que les autres conditions énumérées par cette disposition soient remplies. Or le permis suisse de type C, en cause dans l’affaire commentée, appartient à cette catégorie, et permet, depuis le 12 décembre dernier, une circulation libre sur le territoire des Etats Schengen si les conditions de l’article 21 sont remplies.


Reproduction autorisée avec indication : Mihaela Nicola, "La portée du permis suisse de type C dans l’espace Schengen", www.ceje.ch, actualité du 8 juin 2009.