La Cour de justice de l’Union européenne a déjà interprété la directive 2000/78 et considéré qu’elle ne s’opposait pas à des législations de certains Etats membres de l’Union européenne qui prévoyaient des conditions spécifiques de prolongation ou de cessation des contrats de travail conclus avec des travailleurs âgés, une fois que ceux-ci avaient atteint un certain âge (Mangold, aff. C-144/04, Georgiev affs jtes C-250/09 et C-268/09, Fuchs et Köhler, affs jtes C-159/10 et C-160/10). L’arrêt Hörnfeldt (aff. C-141/11), rendu le 5 juillet 2012, confirme cette ligne jurisprudentielle.
Depuis 1989, M. Hörnfeldt a été engagé en tant qu’agent des services postaux suédois par une série de contrats à temps partiel. En 2009, son dernier contrat a été mis à terme en raison du fait qu’il a atteint l’âge de 67 ans. En effet, la législation suédoise fixe l’âge pour le départ à la retraite à 65 ans, mais prévoit une dérogation dite « la règle des 67 ans » en vertu de laquelle, les travailleurs ont la possibilité d’exercer une activité professionnelle jusqu’à l’âge de 67 ans, afin d’augmenter le montant de la pension de retraite. Toutefois, une fois cet âge atteint, l’employeur est en droit de mettre unilatéralement fin au contrat de travail. M. Hörnfeldt conteste la rupture de son contrat devant les juridictions suédoises et soutient que la règle des 67 ans opère une discrimination en raison de l’âge. La juridiction de renvoi a alors posé deux questions préjudicielles à la Cour de justice : la première porte sur le caractère discriminatoire de ladite règle et la seconde sur le caractère nécessaire de celle-ci.
La Cour de justice considère que la cessation automatique des engagements des travailleurs âgés de 67 ans constitue une différence de traitement qualifiable de discrimination en raison de l’âge. Toutefois, elle souligne qu’au sens de l’article 6, paragraphe 1, alinéa 1, de la directive 2000/78, une telle différence de traitement est autorisée lorsqu’elle est objectivement et raisonnablement justifiée et lorsqu’elle poursuit, de manière proportionnée, un objectif légitime en matière de politique d’emploi. Or, ladite loi vise, en substance, à permettre aux travailleurs âgés d’améliorer le montant de leurs pensions de retraite ainsi qu’à compenser le manque de main-d’œuvre dans certaines professions. En outre, la Cour de justice a déjà jugé que la cessation automatique des contrats de travail une fois qu’un certain âge est atteint constitue un usage habituel dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne, et a pour finalité de promouvoir l’accès à l’emploi des jeunes (Georgiev affs jtes C-250/09 et C-268/09, Fuchs et Köhler, affs jtes C-159/10 et C-160/10). Dès lors, la Cour estime que la règle des 67 ans poursuit des objectifs qui permettent de justifier, objectivement et raisonnablement, une différence de traitement fondée sur l’âge (pt 30).
En ce qui concerne le caractère strictement nécessaire de la règle des 67 ans, la Cour de justice soutient qu’au sens de l’arrêt Rosenbladt (aff. C-45/09), celle-ci tient suffisamment compte des circonstances du travailleur concernant notamment la compensation financière qui sera perçue par l’intéressé une fois que son contrat de travail est mis à terme.
Par conséquent, la directive 2000/78 ne s’oppose pas à une législation nationale qui contient une règle comme celle des 67 ans, à condition d’être justifiée et proportionnée.
Reproduction autorisée avec l’indication: Grozdanovski Ljupcho, "La règle suédoise 'des 67 ans' et la discrimination en raison de l'âge", www.ceje.ch, actualité du 11 juillet 2012.