Dans l’esprit de la « nouvelle approche » de la Commission concernant l’application de l’article 82 CE, l’on retrouve la Communication sur les pratiques d’éviction concurrentielle en cas de position dominante.
Comme l’énonce le point 2 de la Communication « (elle) a pour objet de rendre plus clair et plus prévisible le cadre général d’analyse que la Commission utilise pour déterminer s’il y a lieu d’intervenir (...) ». L’examen, désormais plus économique, de la Commission est animé, d’une part, par le maintien d’une concurrence efficace et, d’autre part, par la volonté de protéger les concurrents et les consommateurs.
Le texte commence par une appréciation générale des pratiques d’éviction en cas de position dominante à la lumière de « la structure concurrentielle sur le marché » (pt 12). Il énumère un certain nombre de facteurs économiques généraux qui permettent d’évaluer l’impact que produit une entreprise dominante sur ses concurrents, ses clients et les consommateurs. Dans la recherche de « preuves solides et convaincantes » (pt 20), l’on retrouve, parmi les critères à prendre en compte, la position de l’entreprise dominante, de ses concurrents, de ses clients et de ses fournisseurs, les conditions sur le marché, la portée du comportement abusif présumé, les preuves d’une éviction réelle et les preuves d’une stratégie d’éviction (pt 20). C’est à la lumière de ces critères que la Commission est censée apprécier « la situation actuelle ou la situation susceptible de prévaloir à l’avenir sur le marché en cause » (pt 21). Pour renforcer les probabilités économiques sur l’existence des pratiques d’éviction, la Communication mentionne un certain nombre de cas spécifiques d’abus. Il s’agit, notamment, de l’abus par les prix (pts 23 à 27), des accords exclusifs créant une obligation d’achat pour les clients (pts 32 à 47), des ventes liées qui imposent l’achat de deux produits ensemble (pts 47 à 62), de la prédation, c’est-à-dire des pertes volontairement subies afin de maintenir ou renforcer une position dominante (pts 63 à 74) ou encore du refus de fourniture et compression des marges (pts 75 à 90).
Le trait commun de ces pratiques est l’atteinte que porte une entreprise dominante à l’action indépendante de ses concurrents, ses clients et les consommateurs. Cette restriction est évidemment sanctionnée. Toutefois, il importe de souligner qu’en droit communautaire de la concurrence l’on ne vise plus à condamner d’office tous les cas de dominance. Ceci est l’un des plus grands apports de la nouvelle approche. Il faut désormais vérifier si une conduite économique anticoncurrentielle peut être justifiée par les gains d’efficacité qu’elle produit. Ces gains, permettant de maintenir un niveau de concurrence praticable, varient selon les cas d’atteinte à la concurrence et les catégories d’opérateurs touchés. Aux termes de la Communication, une éviction anticoncurrentielle peut être justifiée en présence « d’améliorations techniques de la qualité des biens ou d’une réduction du coût de production ou de distribution » (pt 30), l’incitation à l’innovation (pt 30), l’incitation des revendeurs à vendre des volumes plus importants de produits (pt 46), la baisse des coûts des transactions pour les clients (pt 62), le développement d’économies d’échelle engendré par un comportement prédateur (pt 74) ou l’incitation aux investissements par le refus de fourniture des intrants (pt 89).
La défense de l’entreprise dominante est assurée car elle peut désormais démontrer « soit que son comportement est objectivement nécessaire, soit qu’il produit des gains d’efficacité substantiels qui l’emportent sur les effets anticoncurrentiels produits sur les consommateurs » (pt. 28). Cependant, les exigences qui pèsent sur l’entreprise sont lourdes ; il faut qu’elle prouve que le comportement adopté fut le seul moyen pour réaliser les gains d’efficacité dans un contexte concurrentiel donné.
La Communication est fortement empreinte par la prise en compte de la réalité économique déjà énoncée par le Discussion Paper de la Direction générale de la concurrence en décembre 2005 sur l’application de l’article 82 CE.
Reproduction autorisée avec indication : Ljupcho Grozdanovski, "Priorités de la Commission européenne pour l’application de l’article 82 CE aux pratiques d’éviction abusives", www.ceje.ch, actualité du 16 juin 2009.