Fin septembre 2016, privilégiant la sauvegarde de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) et des Bilatérales avec l’Union européenne, le Conseil national s’était prononcé en faveur d’une mise en œuvre « light » de l’article 121a de la Constitution fédérale (« initiative contre l’immigration de masse »). Il avait par ailleurs rejeté l’application d’éventuels quotas de permis de séjour proposée par le Conseil fédéral. Le 1er décembre 2016, le Conseil des Etats, se ralliant aux conclusions principales du Conseil national, a adopté le modèle d’application « light », tout en le renforçant quelque peu. Concrètement, les employeurs présents sur le territoire suisse seront dans l’obligation d’annoncer les postes vacants auprès des offices régionaux de placement (ORP), de convoquer les chômeurs inscrits en entretien, et enfin de justifier les potentiels refus en cas de recrutement de main d’œuvre à l’étranger. Toutefois, ces procédures ne s’appliqueront que dans des secteurs et des régions frappés par un taux de chômage supérieur à la moyenne, ce qui correspond, aux dires du concepteur du modèle, le député Philipp Müller (PLR/AG), à 1% des procédures de recrutements annuels.
Bien que le texte du Conseil des Etats implique moins d’administration que la gestion d’un système de contingents, une partie de la classe politique et les milieux économiques intéressés ont estimé que les procédures à mettre en place constitueraient une charge administrative trop lourde à l’égard des employeurs, en particulier l’obligation de motiver les décisions de refus. Leurs demandes ont été entendues puisque, le 2 décembre 2016, la Commission des institutions politiques du Conseil national a décidé de supprimer cet élément de contrainte.
Néanmoins, la mise en œuvre de l’initiative contre l’immigration de masse reste encore longue et parsemée d’obstacles. D’une part, le projet étant actuellement aux mains du Conseil national, ce dernier a déjà apporté des modifications, le 5 décembre 2016, notamment en confirmant la suppression de l’obligation de motiver les décisions de refus pour les employeurs lors des procédures d’embauche. Dès lors, on devrait assister à des « va-et-vient » entre les deux Chambres jusqu’à l’obtention d’un accord sur le texte de mise en oeuvre. D’autre part, lorsqu’une solution « light » avait été présentée au départ par le Conseil national, l’Union européenne avait considéré qu’une telle mesure pouvait constituer une violation de l’interdiction de discrimination prévue à l’article 2 ALCP à l’égard de ses ressortissants. La prochaine réunion du Comité mixte de l’ALCP, dont la date n’est pas encore connue, permettra de connaître la position de l’Union européenne sur les nouveaux développements dessinés par les Chambres fédérales quant à la mise en œuvre de l’article 121a de la Constitution fédérale.
Finalement, aujourd’hui, une chose est sûre. Le Parlement suisse a démontré sa volonté de préserver les relations bilatérales avec l’Union européenne en choisissant une voie qui doit rester compatible avec l’ALCP.
David Trajilovic, "Dialogue entre les chambres fédérales sur la mise en œuvre de l’initiative sur l’immigration de masse", actualité du 8 décembre 2016, disponible sur www.ceje.ch