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Le pourvoi de la Suisse rejeté par la Cour de justice dans l’affaire « Aéroport de Zurich »

Ljupcho Grozdanovski , 13 mars 2013

Le 7 mars 2013, la Cour de justice s’est prononcée sur le pourvoi formé par la Confédération suisse (aff. C-547/10 P), suite à l’arrêt « Aéroport de Zurich », rendu par le Tribunal le 9 septembre 2010 (aff. T-319/05).

En raison de la proximité de la frontière allemande de l’aéroport de Zurich, les vols y atterrissant sont contraints d’utiliser l’espace aérien allemand. L’utilisation de cet espace a été régie par un accord bilatéral entre la Confédération suisse et l’Allemagne, conclu en 1984 mais dénoncé en 2000. En 2001, les deux Etats ont conclu un nouvel accord, qui n’a pas été ratifié. En 2003, les autorités allemandes ont adopté des mesures unilatérales visant à réglementer les survols sur le territoire allemand en vue de réduire les nuisances sonores. Cette mesure a eu pour effet d’obliger les transporteurs aériens d’imposer un changement de trajectoire des vols atterrissant à Zurich. La Confédération suisse a saisi la Commission européenne de la question en 2003. Celle-ci a adopté une décision constatant que la législation allemande ne relevait pas du champ d’application du droit de l’Union européenne. La Suisse a alors introduit un recours en annulation de cette décision devant le Tribunal qui a rejeté le recours, estimant que la Commission européenne avait considéré, à juste titre, que la législation allemande ne relevait pas du champ d’application de l’article 9, paragraphe 1, du règlement n° 2408/92, concernant l’accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires.

Un pourvoi a ensuite été formé par la Confédération Suisse devant la Cour de justice. Ce dernier repose sur six moyens dont seulement quatre seront ici examinés.

En premier lieu, la Confédération suisse fait valoir que l’article 9 du règlement n° 2408/92 a été interprété de manière erronée, en ce sens que la législation allemande limite non seulement formellement, mais aussi matériellement, le trafic aérien. Sur ce point, la Cour de justice a précisé qu’en vertu de l’article 8 dudit règlement, l’exercice du droit de trafic est soumis aux règles d’exploitation nationales, régionales ou locales, concernant la sécurité, la protection de l’environnement ou la répartition des créneaux horaires. Dès lors que la législation allemande a eu pour effet un changement de la trajectoire, mais non une interdiction, des vols atterrissant à l’aéroport de Zurich,  la Cour a conclu que le Tribunal a jugé à bon droit que la mesure allemande, adoptée en vue réduire les nuisances sonores, n’équivaut pas à une interdiction, conditionnelle ou partielle, de l’exercice du droit de trafic aérien (pt 56).

En deuxième lieu, la Confédération suisse reproche au Tribunal une interprétation erronée de l’obligation de motivation des actes adoptés par les institutions de l’Union européenne, au sens de l’article 296 du traité FUE, lorsqu’il a jugé suffisante la motivation de la décision litigieuse, même en présence d’une substitution de motifs par la Commission européenne au cours de la procédure en première instance. Sur ce point, la Cour de justice a rappelé que l’obligation de motivation au sens dudit article impose à l’institution, auteur d’un acte, de faire apparaître de façon claire et non équivoque les raisons qui sous-tendent l’adoption de celui-ci. La Cour a dès lors considéré que la Confédération suisse n’a pas démontré que l’insuffisance de la motivation de la décision litigieuse, ainsi que la substitution des motifs opérée par la Commission européenne en cours de la procédure en première instance, l’avait empêchée d’exercer utilement ses droits de la défense. Le deuxième moyen a donc été rejeté.

En troisième lieu, la demanderesse a soulevé l’incompatibilité de la législation allemande avec la libre prestation des services, ainsi qu’avec les principes de proportionnalité et de respect des droits fondamentaux. Il a été, en effet, soutenu qu’une prise en considération du coût du changement de la trajectoire des vols atterrissant à l’aéroport de Zurich aurait conduit le Tribunal à juger la mesure allemande comme disproportionnée. La Cour de justice a cependant rappelé que l’accord bilatéral sur le transport aérien conclu entre l’Union européenne et la Confédération suisse n’avait pas pour finalité de permettre à cette dernière un accès absolu au marché intérieur des services. Par conséquent, l’interprétation retenue par la Cour dans le cadre du marché intérieur ne saurait être automatiquement transposée à l’interprétation dudit accord (pt 80). La libre prestation des services ne trouvant pas à s’appliquer dans le cadre de l’application de ce dernier, la Tribunal a jugé, à bon droit, l’absence d’une violation du principe de libre prestation des services.

En quatrième lieu, la Confédération suisse a fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en n’ayant pas constaté une violation du principe de non-discrimination énoncé à l’article 3 de l’accord bilatéral sur le transport aérien. En outre, la demanderesse allègue une dénaturation des faits en estimant que lorsque le Tribunal a considéré la législation allemande comme étant justifiée par des circonstances objectives, dont la forte activité touristique dans la région frontalière avec la Suisse, il n’avait pas suffisamment pris en compte la position de la Suisse selon laquelle ladite région ne se caractérise pas par une activité touristique exceptionnelle.

La Cour de justice a jugé qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur le premier point, dès lors que la question de la conformité de la législation allemande avec les dispositions de l’accord bilatéral ne saurait être soulevée qu’en cas de restriction de l’exercice des droits de trafic par les transporteurs aériens et non des droits de l’exploitant de l’aéroport et des riverains.

Sur le deuxième point, la Cour a confirmé que dans le cadre du pourvoi, elle est compétente pour de trancher les questions de droit, telle qu’une dénaturation des faits, à condition que ladite dénaturation ressorte de façon manifeste des pièces du dossier (pt 100). Or, en se limitant à la critique de l’appréciation du Tribunal des éléments de fait, la demanderesse n’avait pas démontré à suffisance la dénaturation alléguée.

Par conséquent, le pourvoi de la Confédération suisse a été rejeté dans son ensemble.


Reproduction autorisée avec l’indication: Ljupcho Grozdanovski, "Le pourvoi de la Suisse rejeté par la Cour de justice dans l'affaire 'Aéroport de Zurich'", www.ceje.ch, actualité du 13 mars 2013.