Le 21 janvier 2013, s’est tenue à l’Université de Genève une Table ronde intitulée « le Partenariat Suisse-UE. Bilan, quelle perspective ? », réflexions menées sous la modération du Professeur Dusan Sidjanski, Président d'honneur du Centre européen de la culture.
SE Alexis Lautenberg, Ancien Ambassadeur de la Suisse auprès de l'UE, a présenté un panorama général de la relation de la Suisse avec l’Union européenne, en particulier compte tenu de l’évolution de cette dernière. L’Union et ses Etats membres devront en particulier faire face à des ajustements économiques difficiles et à des rapports politiques mettant en jeu le défi d’une intégration différenciée dans un seul marché et s’inscrivant dans une réflexion globale de ce qu’est l’Union européenne. Si la position du Royaume-Uni a fait l’objet de vives attentions, y compris dans les interventions du public, SE Alexis Lautenberg a néanmoins tenu à atténuer le lien entre la position de cet Etat et celle de la Suisse. Il a invoqué en particulier une étude sur les votes des Etats au Conseil, faisant apparaître que c’est avec les Pays-Bas que la Suisse présenterait le plus haut niveau de corrélation. Pour l’Ancien Ambassadeur, l’avenir de la relation Suisse-UE s’inscrit dans un contexte de satisfaction excessive de la voie bilatérale et de la gestion de crise, et doit répondre aux troubles actuels liés aux accords Rubik et à l’accord sur la libre circulation des personnes.
Cet accord constitue, pour Jean Russotto, Avocat d'affaires à Bruxelles, le cœur des préoccupations des citoyens et cantons, comme le montrent les actualités liées à l’activation de la clause de sauvegarde, à l’élargissement de l’Union à la Croatie ou encore à l’initiative « Pour le renvoi des étrangers criminels ». Jean Russotto a en particulier souligné l’importance de penser la relation Suisse-UE à la fois dans les questions qu’elle pose au quotidien et dans un cadre large qui met en jeu la tension entre indépendance et interdépendance de la Suisse vis-à-vis de l’UE. C’est dans cette optique qu’il a mis en lumières les évolutions dans des domaines divers tels que l’électricité, les biocides, la recherche ou encore les services. Pour Jean Russotto, les enjeux du partenariat Suisse-UE ne se situent pas sur le principe du bilatéralisme mais sur son caractère sectoriel, qui a abouti à la mise en place d’une véritable « toile de fond » matérielle, qui doit faire l’objet d’une réflexion globale.
A cet égard, Christine Kaddous, Professeur et Directrice du Centre d'études juridiques européennes, a présenté l’état des négociations sur un accord-cadre institutionnel entre la Suisse et l’UE. Si les premiers textes sur un accord cadre datent de 2002, la discussion est aujourd’hui devenue pressante en raison de certaines décisions prises en Suisse en lien avec l’application de l’accord sur la libre circulation des personnes (délai d’annonce de 8 jours pour les prestataires de services, activation de la clause de sauvegarde) d’une part, et du lien entre la question institutionnelle et l’accès au marché, d’autre part. La question de l’accord-cadre se pose de manière singulière puisque les deux partenaires apprécient de manière très différente le système institutionnel actuel. Il en résulte des prises de position très divergentes de part et d’autre. Le Professeur Christine Kaddous a mis en relief deux thèmes de relative convergence de vues entre la Suisse et l’UE. L’interprétation homogène des règles apparaît pour les partenaires comme un élément essentiel du bon fonctionnement des accords. Le principe d’adaptation dynamique du droit découlant des accords semble par ailleurs accepté par la Suisse sous des modalités qui lui permettent de faire fonctionner ses règles constitutionnelles. En revanche, la question de la surveillance des accords bilatéraux sur le territoire suisse fait l’objet de divergences de conception, d’où le rejet par l’UE de la proposition suisse de créer une autorité nationale de surveillance. L’UE semble également peu satisfaite de la proposition suisse en matière de règlement des différends, tendant à ce qu’en l’absence de solution au sein du Comité mixte, la partie lésée puisse prendre une mesure de compensation dont la proportionnalité pourrait être examinée par un tribunal arbitral. Les conclusions du Conseil de décembre 2012 précisent les exigences de l’UE, qui attend que la solution de la question institutionnelle contribue à la sécurité juridique, à la simplification de la gestion des accords, mais aussi qu’elle n’aboutisse pas à amoindrir les relations de l’UE avec les autres Etats de l’AELE, plaçant ainsi de nouveau le partenariat Suisse-UE par rapport à l’EEE.
Reproduction autorisée avec l’indication: Mazille, Clémentine, "Le partenariat Suisse-UE. Bilan, quelle perspective?", www.ceje.ch, actualité du 24 janvier 2013.