“Le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste espère qu'il va changer, le réaliste ajuste ses voiles” (William Arthur Ward) : c’est, à peu de choses près, ce qu’a fait le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, le mercredi 13 septembre 2017, lorsqu’il a prononcé son discours sur l’état de l’Union, une pratique qui consiste à présenter les priorités pour l’année à venir.
Après avoir donné des statistiques positives pour l’Union européenne, faisant état « de vents favorables » pour celle-ci, cinq priorités ont été exposées. La première priorité concerne le volet commercial, véritable atout de l’Union européenne, qui constitue un « espace économique attirant ». C’est en tout cas ce qu’attestent l’accord conclu avec le Canada et ceux envisagés avec le Japon, le Mexique, les pays d’Amérique du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Sur ce sujet, et tirant probablement leçon des critiques en la matière durant l’année passée, l’accent a été mis sur la transparence des processus décisionnels. Une deuxième priorité concerne la quête d’une industrie plus forte et de sa compétitivité. La troisième priorité rappelle que l’Union doit être engagée dans la lutte contre le changement climatique. Une quatrième priorité vise la protection des Européens à l’ère du numérique : les cyberattaques sont, en effet, dans le viseur de la Commission européenne. Plus concrètement, il y aurait lieu de créer une Agence européenne de la cybersécurité. Enfin, la cinquième priorité aborde la question migratoire. Celle-ci suppose la protection des frontières extérieures, avec l’idée que les frontières communes vont de pair avec la protection commune. Il doit être question d’un « continent de solidarité ».
Suite au Livre blanc sur l’avenir de l’Europe et ses scenarii, publié en mars 2017, le débat qui a suivi mène à penser une Union de valeurs, menant à une Union plus unie, plus forte, plus démocratique. Les valeurs dont il est question comprennent la liberté, l’égalité et l’état de droit. En matière de liberté, il est nécessaire de rappeler qu’il est toujours pertinent de se battre pour défendre celle-ci. La notion d’égalité couvre plusieurs réalités : égalité entre Etats membres, entre citoyens de ceux-ci mais aussi entre travailleurs. Sur la question plus particulière du détachement des travailleurs et des questions périphériques qu’il pose, la mise en place d’une autorité commune du travail est envisagée. L’égalité entre les consommateurs est aussi abordée, notamment en ce qui concerne les produits alimentaires. Sur l’état de droit, il est ici question d’une obligation, et non une option dans l’Union européenne, qui doit être une communauté de droit. L’autorité de la Cour de justice de l’Union européenne est par ailleurs rappelée.
Les valeurs, une fois remémorées, doivent constituer le fondement de ce que devrait être une Union plus unie, plus forte et plus démocratique. L’unité de l’Union suppose l’acceptation de compromis, incontournable tant en démocratie que dans l’Union européenne. Cela concerne notamment la participation de la Bulgarie, de la Roumanie et de la Croatie à l’espace Schengen, la vocation de l’Euro à devenir la monnaie de l’ensemble de l’Union européenne, la participation de l’ensemble des Etats membres à l’Union bancaire ainsi qu’un accord sur un socle européen des droits sociaux destiné à lutter contre la fragmentation et le dumping social en Europe. Il est aussi question de regarder vers les Balkans occidentaux en ce qui concerne leur perspective d’adhésion à l’Union. L’adhésion de la Turquie étant, quant à elle, exclue actuellement. Outre l’unité, il y a la force de l’Union, qui doit passer par la force du marché intérieur, pour lequel la majorité qualifiée devrait être privilégiée. L’efficacité devrait également être de mise en ce qui concerne l’Union économique et monétaire, qui devrait compter un ministre européen de l’économie et des finances mais pas de Parlement spécifique de la zone euro. Une force sur le plan interne donc, mais également sur le plan externe. La lutte contre le terrorisme devrait passer par la création d’une cellule européenne de renseignement. En outre, avoir davantage de poids sur la scène internationale renforcerait l’Union européenne et cela peut être possible si la prise de décision de politique étrangère pouvait être faite, là aussi, à la majorité qualifiée. Sur la question de la démocratie, le projet est d’établir de nouvelles règles sur le financement des parties et des fondations politiques mais également la présentation de listes transnationales aux élections européennes. Enfin, la proposition est fait d’un président unique à la tête de la Commission européenne et du Conseil européen, témoin d’une Union des Etats et des citoyens.
Il y a, dans cet état de lieux, la poursuite de l’idée selon laquelle il est nécessaire de se concentrer sur l’essentiel : « Etre plus ambitieuse sur les grands enjeux, et plus discrète sur les dossiers de moindre importance ». Pour concrétiser ces idées, une feuille de route d’une Union à 27 doit guider tous les acteurs œuvrant au cœur de – et pour – l’Union européenne. Ceux-ci doivent garder comme date-clé le 30 mars 2019, date à laquelle les Britanniques auront quitté le navire, mais également veille des élections européennes de juin 2019. Finalement, Jean-Claude Juncker annonce qu’il avance, en réalité, un sixième scénario, plus personnel. Il semble rechercher un équilibre délicat entre le scénario n°4 « Faire moins de manière plus efficace » et le scénario n° 5 « Faire beaucoup plus ensemble » du livre blanc du mois de mars 2017.
Margaux Biermé, « Discours sur l’état de l’Union 2017 : le vent en poupe ? » , Actualité du 3 octobre 2017, disponible sur www.ceje.ch.