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Annulation des délibérations du Parlement européen écourtant ses sessions à Strasbourg

Mihaela Nicola , 20 décembre 2012

Aux termes de l’article 1er, sous a), de la décision d’Edimbourg de 1992, qui a été reprise dans le protocole no 6 annexé aux traités UE et FUE et le protocole no 3 annexé au traité CEEA, le siège du Parlement, fixé à Strasbourg, constitue le lieu « où se tiennent les douze périodes de sessions plénières mensuelles, y compris la session budgétaire ». On se souvient que la Cour de justice, dans son arrêt du 1er octobre 1997 rendu à la suite d’un recours en annulation introduit par la France à l’encontre de la délibération du Parlement européen du 20 septembre 1995 fixant le calendrier de son travail pour l'année 1996, a consacré l’obligation de cette institution de tenir, à un rythme régulier, douze périodes de sessions plénières ordinaires, y compris celles au cours desquelles celle-ci doit exercer les pouvoirs budgétaires conférés par le traité.

Le 3 mars 2011, le Parlement européen a adopté deux projets de calendrier de travail pour les années 2012 et 2013. Aux termes de ces projets, le Parlement européen devait tenir deux  sessions plénières durant le mois d’octobre de chaque année, à savoir du 1er au 4 octobre et du 22 au 25 octobre de l’année 2012, puis du 30 septembre au 3 octobre et du 21 au 24 octobre de l’année 2013. Ces projets étaient conformes à la pratique de l’institution, dans la mesure où l’absence de période de session plénière au cours du mois d’août devait conduire à l’aménagement de deux sessions plénières au cours d’un seul mois. A la suite de deux amendements proposés par le député européen, M. Fox, lesdits projets ont été modifiés. Ainsi, la première période de session plénière, respectivement, d’octobre 2012 et d’octobre 2013 a été supprimée, tandis que la seconde des mois concernés a été scindée en deux périodes distinctes. Par conséquent, les sessions plénières du mois d’octobre devaient avoir lieu durant la même semaine, à savoir, du 22 au 23 octobre et du 25 au 26 octobre de l’année 2012, ensuite du 21 au 22 octobre et du 24 au 25 octobre de l’année 2013.

La France, soutenue par le Luxembourg, conteste ces modifications, en soutenant que celles-ci seraient incompatibles avec les protocoles sur le siège des institutions, dans la mesure où l’une des douze périodes de sessions plénières mensuelles qui devaient se tenir chaque année à Strasbourg a été supprimée (aff. jtes C-237/11 et C-238/11). Dans ce contexte, elle fait notamment valoir que le Parlement européen, en réduisant la durée de la période de chacune des sessions concernées de quatre à deux jours, a privé lesdits protocoles de leur substance et a rompu le « rythme régulier» dans lequel les douze périodes de sessions plénières doivent être tenues, tel qu’il ressort de l’arrêt France c. Commission de 1997. 

Le Parlement européen se réfère à son pouvoir d’organisation interne accordé par l’article 232 du traité FUE. Il considère que sa pratique antérieure relative à la durée des périodes de sessions plénières, consacrée par la décisiond’Edimbourg de 1992, ne saurait le lier pour l’avenir, dans la mesure où son fonctionnement a subi des modifications, qui ont consisté en une augmentation progressive du nombre de réunions de ses commissions, ses activités s’exerçant désormais davantage au sein de ces dernières qu’au cours des séances plénières. Par ailleurs, il souligne les inconvénients économiques, environnementaux et de transport engendrés par la pluralité de ses lieux de travail et soutient que l’organisation de deux périodes de sessions plénières au cours d’une même semaine est susceptible de réduire l’impact de tels inconvénients. Enfin, il estime que la procédure budgétaire inscrite à l’agenda des sessions plénières concernées n’aurait qu’une durée réduite, ce qui justifierait le regroupement de ces sessions dans la même semaine.

La Cour de justice rejette tous les arguments du Parlement européen, en considérant que le calendrier prévu dans les délibérations attaquées pour les mois d’octobre 2012 et 2013 ne répond pas aux exigences établies par les protocoles sur les sièges des institutions. Elle relève premièrement que la durée de chaque session plénière a été, à la suite des amendements, réduite de plus de la moitié par rapport aux périodes de sessions plénières ordinaires. Il en résulte que les sessions plénières précitées ne sont pas, eu égard à leur durée, « équivalentes » aux autres périodes de sessions mensuelles ordinaires, contrairement à ce que la Cour de justice a établi dans l’arrêt France c. Commission. Troisièmement, quant à l’argument du Parlement européen tiré de son pouvoir d’organisation, la Cour de justice rappelle que l’exercice d’un tel pouvoir est subordonné au respect de la compétence des Etats membres quant à la fixation du lieu du siège de cette institution, telle que cette compétence a été concrétisée dans l’adoption de la décision d’Edimbourg. En se référant ensuite aux conclusions de l’avocat général Mengozzi, elle écarte l’argument du Parlement européen lié à l’augmentation de ses travaux en commissions, dans la mesure où celui-ci n’a pas démontré un lien entre une telle augmentation et une réduction de la durée des sessions plénières des mois d’octobre 2012 et 2013. Dans le même ordre d’idées, l’argument selon lequel la session budgétaire serait susceptible d’être clôturée en peu de temps ne saurait être accueilli puisqu’il se heurte, selon la Cour de justice, à l’importance d’une telle session, dont l’exercice en séance plénière constitue « un moment fondamental à la vie démocratique de l’Union européenne» permettant aux citoyens de cette dernière de « prendre connaissance des diverses orientations politiques exprimées, et de ce fait, de se former une opinion politique sur l’action de l’Union ». En se référant, enfin, aux inconvénients et aux coûts engendrés par la pluralité des lieux de travail du Parlement, la Cour de justice estime qu’il appartient aux Etats membres d’y remédier dans l’exercice de leur compétence de fixer le siège des institutions.

En rendant cet arrêt, la Cour de justice renforce les « contraintes » qui s’imposent au Parlement européen dans l’organisation de ses travaux. De ce point de vue, elle va au-delà des termes de la décision d’Edimbourg, laquelle se borne à fixer le siège de cette institution et le nombre de périodes de sessions plénières mensuelles.


Reproduction autorisée avec l’indication: Mihaela Nicola, « Annulation des délibérations du Parlement européen écourtant ses sessions à Strasbourg », actualité du 20 décembre 2012.