Le Règlement n°1049/2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission énonce, en son article 17 paragraphe 1, que chaque institution publie un rapport annuel portant sur l’année écoulée, dans lequel sont mentionnés le nombre de refus d’accès aux documents opposés par l’institution en cause et les motifs de ces refus, ainsi que le nombre de documents sensibles non inscrits au registre. Le rapport sous commentaire, qui concerne l’année 2005, constitue le quatrième rapport élaboré par la Commission sur le fondement de cette disposition.
La Commission constate tout d’abord que l’année 2005 a été marquée par un renouveau de la politique de transparence de l’Union européenne, qui s’est notamment matérialisé par l’adoption de l’« Initiative européenne de Transparence » lancée au cours de cette même période. Ayant pour finalité d’œuvrer dans le sens d’une amélioration de l’accès à l’information d’une part, l’initiative vise également à promouvoir une vaste consultation publique sur l’accès aux documents des institutions, ce qui a été rendu possible par la publication d’un Livre vert sur cette même initiative . Le troisième volet de cette initiative concerne la mise en place d’un débat interinstitutionnel ainsi que d’une consultation publique sur une éventuelle révision du Règlement n°1049/2001, lancée récemment par la publication du Livre vert sur l’accès du public aux documents détenus par les institutions de la Communauté européenne. C’est dans le prolongement de ces mesures tendant à accroître la transparence au sein de l’Union européenne que s’inscrit le présent rapport de la Commission.
Le rapport fait également état de l’établissement, en octobre 2005, d’un registre relatif aux groupes d’experts et qui répertorie les divers organismes consultatifs qui assistent la Commission et ses services dans l’élaboration de propositions législatives et d’initiatives politiques. Un tel système complète le registre créé en 2003 en vue de permettre l’accès du public aux travaux de la Comitologie, autrement dit aux actes émanant des nombreux comités qui assistent la Commission dans l’exercice des compétences d’exécution qui lui sont conférées par le Conseil.
En définitive, il ressort de ce rapport que l’intérêt des citoyens européens d’accéder aux documents de la Commission n’a cessé de grandir et s’est même confirmé en 2005. Les demandes d’accès émanent, dans la majeure partie des cas, c’est-à-dire dans 40% des cas, d’entreprises, d’ONG, de cabinets d’avocats ou de groupes d’intérêt divers. Ce sont ainsi, fort logiquement, les spécialistes des affaires européennes qui sollicitent le plus les institutions en vue de consulter leurs documents.
En ce qui concerne l’application des exceptions au droit d’accès, le bilan est relativement positif dans la mesure où la Commission a fait un usage modéré de telles exceptions. A cet égard, le rapport met en lumière les motifs les plus fréquemment invoqués par l’institution, à savoir notamment les objectifs des enquêtes, la sauvegarde des intérêts commerciaux d’entreprises ainsi que la protection du processus décisionnel de la Commission. Un autre aspect tendant à renforcer la politique de transparence au sein de l’Union européenne consiste à favoriser l’accessibilité directe d’actes législatifs et ceci, sans attendre une demande d’accès. Les Directions générales de la Commission ont, à cet effet, développé leur site internet, ce qui a permis à un grand nombre de documents de tomber dans le domaine public.
Les citoyens qui se heurteraient à un refus d’accès de la Commission ont, en vertu de l’article 8 paragraphe 1, du Règlement n°1049/2001, la possibilité de saisir le Médiateur européen d’une plainte en vue de faire constater l’existence éventuelle d’un cas de mauvaise administration. Le rapport démontre que les plaintes clôturées en 2005 par le Médiateur ont, pour la plupart, été réglées à la satisfaction du plaignant et que, de surcroît, la proportion des plaintes formulées par les citoyens européens est resté stable en 2005.
La Commission indique également dans ce rapport qu’au cours de l’année 2005, le Tribunal de première instance a eu l’occasion de confirmer sa jurisprudence relative au droit d’accès. Cette observation est valable à trois niveaux : d’une part, les Etats membres ont la faculté de s’opposer à la divulgation des documents qu’ils ont émis puis transmis à une institution ; d’autre part, l’obligation, pour l’institution sollicitée par une demande d’accès, d’accomplir un examen concret et individuel des documents faisant l’objet de la demande ; en dernier lieu, le Tribunal a précisé que dans tous les cas, l’intérêt particulier que peut faire valoir un requérant ne peut être pris en compte aux fins de l’appréciation de la validité d’une décision de refus.
Dès lors, force est de constater que le bilan de l’application des règles d’accès aux documents est positif pour l’année 2005. Le rapport met en exergue qu’une nouvelle culture administrative a progressivement vu le jour au sein des institutions, et en particulier au sein de la Commission. Pourtant, des voix s’élèvent pour réclamer une réforme en profondeur de la législation en vigueur, et plus globalement du régime d’accès aux documents des institutions. Il semblerait que le Règlement n°1049/2001 ne soit plus adapté et que les nombreux principes prétoriens consacrés en la matière appellent une codification. A cet égard, le régime juridique spécifique qui s’applique aux documents « sensibles », définis à l’article 9 du règlement comme étant les « documents émanant des institutions ou des agences créées par elles, des Etats membres, de pays tiers ou d’organisations internationales, classifiés “très secret/Top secret”, “secret” ou “confidentiel”, constitue un problème non encore résolu à ce jour. La difficulté réside dans le pouvoir discrétionnaire conféré à l’institution concernée puisque cette classification s’opère en vertu des règles en vigueur au sein de l’institution. Par ailleurs, les conflits potentiels existant entre le droit d’accès aux documents et la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel suscitent quelques inquiétudes. Ces deux droits équivalents, figurant tous deux dans le traité CE (respectivement aux articles 255 et 286), ont été mis en œuvre par l’entremise de deux règlements : le Règlement n°45/2001 concernant la protection des données et le Règlement n°1049/2001 relatif à l’accès du public aux documents. En dernier lieu, l’article 4, paragraphe 5, du Règlement n°1049/2001, qui reprend le texte de la Déclaration n°35 annexée à l’Acte final du traité d’Amsterdam, énonce qu’un Etat membre peut demander à une institution de ne pas divulguer un document émanant de cet Etat membre sans son accord préalable. On devine ici le caractère arbitraire d’un éventuel refus d’accès fondé sur de tels motifs, d’autant plus que cette disposition a été interprétée par le Tribunal de Première instance comme un « droit de veto » des Etats membres à l’égard de la divulgation des documents qu’ils transmettent aux institutions (Cf. arrêt Mara Messina contre Commission du 17 septembre 2003). En définitive, dans le souci de rapprocher les citoyens européens de l’Union et de renforcer leur confiance envers l’administration, l’établissement d’un cadre juridique approprié paraît nécessaire. Le Traité constitutionnel ayant été rejeté par les Pays-Bas et la France, toute rationalisation du droit d’accès a été stoppé net. La publication du Livre vert sur l’accès du public aux documents détenus par les institutions de la Communauté européenne, le 18 avril 2007, constitue cependant une nouvelle tentative de rationalisation. La finalité de cette vaste consultation publique est de mobiliser les citoyens en recueillant les commentaires des opérateurs économiques, des autorités publiques et de toute personne ou organisation intéressée par les affaires européennes. Dans l’attente de la publication d’un Livre blanc...
Reproduction autorisée avec indication : Aurore Garin, "Quatrième rapport du 24 septembre 2007 sur l’application du Règlement n°1049/2001 relatif à l’accès du public aux documents ou comment rapprocher l’Union européenne de ses citoyens", www.ceje.ch, actualité du 4 octobre 2007.