Les préoccupations suscitées par les risques que peut entraîner la conduite d’activités nucléaires ont donné lieu à l’adoption d’une Convention sur la sûreté nucléaire en 1994. Ce traité a pour but d’atteindre et de maintenir un niveau élevé de sûreté nucléaire, de lutter contre les risques radiologiques potentiels afin de protéger les individus, la société et l’environnement, ainsi que de prévenir les accidents et atténuer leurs impacts. Il convient néanmoins de souligner qu’il ne s’agit que d’un instrument international ne jouissant pas de la force contraignante du droit communautaire.
Cependant, depuis l’adoption de cette convention, la Commission a travaillé au développement de ses standards en matière de sûreté nucléaire. Ainsi a-t-elle créé un groupe européen de haut niveau sur la sûreté nucléaire et la gestion des déchets pour l’aider à élaborer une vision commune et éventuellement des nouvelles règles en la matière. Ce groupe a établi des principes qui devaient être respectés lors de la rédaction d’une directive sur la sûreté nucléaire, lesquels ont effectivement guidé les institutions, et notamment le Conseil. Ainsi la directive « établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires » a-t-elle été adoptée le 25 juin 2009, sur la base de l’article 32 du traité Euratom. Il s’agit d’une étape fondamentale qui marque l’instauration d’un cadre communautaire juridiquement contraignant dans le domaine de la sûreté nucléaire.
L’Union européenne représente le premier producteur mondial d’électricité d’origine nucléaire et les citoyens européens étaient désireux de voir naître un cadre juridique communautaire qui régisse la sûreté nucléaire. D’où la nécessité d’adopter cette directive qui vise à établir un cadre communautaire pour maintenir et promouvoir l’amélioration constante de la sûreté nucléaire et de sa réglementation, ainsi qu’à s’assurer que les Etats membres fournissent un niveau de protection suffisamment élevé pour les travailleurs et la population contre les dangers résultant des radiations ionisantes émanant des installations nucléaires.
Le champ d’application de la directive sur la sûreté nucléaire est large. Le texte s’applique à toute installation nucléaire civile sur le territoire d’un Etat membre qui opère en vertu d’une autorisation accordée par ledit Etat. En dépit de l’étendue de son champ d’application, la directive prévoit que les Etats membres peuvent adopter des règles plus strictes sur le sujet.
Conformément au principe de subsidiarité, la directive dispose que les Etats membres doivent établir et maintenir "un cadre national législatif, règlementaire et organisationnel pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires qui attribue les responsabilités et prévoit la coordination entre les organismes nationaux compétents ». Il est de plus imposé aux Etats de renforcer et d’améliorer ce cadre national, ainsi que d’ « établir et [de] maintenir une autorité de règlementation compétente » dans le domaine de la sûreté nucléaire, laquelle doit être absolument indépendante de tout autre organe étatique. Certains Etats membres n’étant pas doté d’un organe de surveillance autonome, on se trouve donc en présence d’un instrument qui a vocation à renforcer le rôle et la qualité des organismes nationaux de contrôle de la sûreté nucléaire, dans le sens d’une harmonisation en faveur d’une plus grande transparence. Afin de vérifier que les autorités nationales de contrôle exercent leur fonction de manière satisfaisante, ces dernières seront soumises à un examen par leurs pairs des autres Etats membres au moins une fois par décennie.
L’accent est également mis sur la responsabilité première des titulaires d’autorisation, qui ne sauraient déléguer cette responsabilité. La directive impose en ce sens des obligations aux Etats membres, qui doivent s’assurer que le cadre national exige des titulaires d’autorisation que ceux-ci se conforment à des devoirs contenus dans l’instrument.
Cinq ans après l’entrée en vigueur de la directive, et chaque trois ans par la suite, concomitamment aux cycles de rapport de la convention de 1994, les Etats devront soumettre à la Commission un rapport sur la mise en œuvre de l’instrument. Sur la base de ces rapports étatiques, la Commission présentera un rapport au Conseil et au Parlement relatif à la mise en œuvre de l’acte de droit dérivé.
Quand la directive « établissant un cadre communautaire pour la sûreté nucléaire des installations nucléaires » aura été transposée dans les différents ordres juridiques nationaux, l’Union deviendra le premier espace doté d’un cadre juridiquement contraignant dans le domaine de la sûreté nucléaire. Les Etats membres seront en outre liés par des règles plus strictes que celles prévues dans la convention. On peut espérer que, comme dans de nombreux autres domaines, l’Union fasse figure de précurseur.
Reproduction autorisée avec indication : Marc Morel, "Établissement d’un cadre communautaire juridiquement contraignant pour la sûreté nucléaire", www.ceje.ch, actualité du 6 juillet 2009.