La directive concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe (directive « Qualité de l’air ») (non publiée ; voir le texte de la directive) a été adoptée le 14 avril 2008, conformément à la procédure de codécision, en deuxième lecture par le Conseil de l’Union européenne qui a approuvé les modifications apportées par le Parlement européen en décembre 2007.
Cette directive fait suite à l’établissement du sixième programme d’action communautaire pour l’environnement, le 22 juillet 2002, par le Parlement et le Conseil (voir décision n° 1600/2002/CE) qui, en matière de pollution atmosphérique, vise à atteindre des niveaux de qualité de l’air n’entraînant pas d’incidences ou de risques inacceptables pour la santé et l’environnement. Or, la Commission européenne a mesuré des niveaux de pollution de l’air nocifs pour la santé et pour l’environnement dans de nombreux Etats membres et entamé des procédures contre cinq d’entre eux (voir communiqué de presse de la Commission du 17 octobre 2007 IP/07/1537) pour dépassement des limites de concentration d’anhydride sulfureux (SO2 - polluant atmosphérique provenant d’installations industrielles) fixées par l’Union européenne. Elle a en outre demandé des rapports aux 23 Etats membres qui avaient signalé des dépassements des concentrations de particules en suspension dans l’air (PM10 - grosses particules) sur les mesures qu’ils ont adoptées en vue de réduire ces valeurs.
L’élaboration de la directive « Qualité de l’air » a été principalement guidée par trois axes. Premièrement, il s’agissait de simplifier le droit en vigueur composé d’une directive-cadre 96/62/CE, de quatre directives filles 1999/30/CE, 2000/69/CE, 2002/3/CE et 2004/107/CE ainsi que d’une décision du Conseil 97/101/CE sur les échanges d’informations en matière de pollution atmosphérique. La directive « Qualité de l’air » résulte donc d’une modification substantielle ainsi que de la fusion de ces actes (à l’exception provisoire de la dernière directive fille). Ces derniers ne seront toutefois abrogés que deux ans après la date d’entrée en vigueur de cette directive, soit à la même date que le délai de transposition accordé aux Etats membres. Tandis que chacune des directives filles prévoyait des systèmes et critères d’évaluation de l’air ambiant de manière redondante, la directive « Qualité de l’air » les unifie et les rend plus accessibles. Les deuxièmes et troisièmes chapitres de la directive « Qualité de l’air » établissent ainsi des principes communs pour l’évaluation et pour la gestion de la qualité de l’air pour l’ensemble des polluants visés par ce texte. Cette refonte permettra également d’éviter des rapports redondants de la part des Etats membres sur les mesures prises relativement aux différents polluants contenus dans l’air.
Deuxièmement, la directive « Qualité de l’air » vise à renforcer le système existant en introduisant de nouveaux objectifs nationaux et s’attaque aux particules fines (PM2,5) qui représentent l’un des plus grands dangers pour la santé humaine. Ces particules microscopiques, qui font moins de 2,5 micromètres de diamètre, provoquent des maladies respiratoires et pulmonaires et contribuent à réduire fortement l’espérance de vie des personnes qui y sont exposées. Or, ces poussières sont émises en particulier par les moyens de transports (voitures, avions, etc.) et touchent donc l’ensemble de la population européenne. L’Union européenne semble avoir pris conscience de la gravité de ce problème et fixe pour la première fois un objectif clair de réduction de l’exposition aux PM2,5. On notera pourtant que la directive « Qualité de l’air », après avoir rappelé dans le préambule qu’un seuil au-dessous duquel ces particules seraient inoffensives n’a pas encore été défini, pose malgré tout le principe qu’une réduction de l’exposition aux PM2,5 n’est pas exigée pour une concentration inférieure à 8,5 micromètres. S’agissant des objectifs, la directive « Qualité de l’air » établit les valeurs limites qui devront, à terme, être atteintes par les Etats membres, soit dans un premier temps 25 microgrammes par mètre cube (µg/m3) pour l’année 2015 et dans un second temps 20 µg/m3 pour l’année 2020. Cette dernière valeur pourra toutefois faire l’objet d’une révision par la Commission en 2013. Alors que certaines zones rurales pourraient être relativement peu touchées par ces mesures, les zones urbaines devront s’atteler à la lourde tâche de réduire d’au moins 20 % l’exposition aux PM2,5 selon les les niveaux généralement entegistrés dans les agglomérations urbaines en Europe. Ces objectifs sont, sans conteste, trop timides face à la gravité de la situation, mais ils ont néanmoins le mérite d’être réalistes et potentiellement réalisables par l’ensemble des 27 Etats membres de l’Union européenne. Ce deuxième axe est en outre marqué par la volonté d’introduire dans la directive « Qualité de l’air » les nouvelles connaissances scientifiques acquises en matière de pollution de l’air, aussi bien au niveau des capacités de mesure que de l’impact sur la santé humaine et l’environnement. Elle prévoit d’ailleurs une révision de certaines dispositions et valeurs en 2013 afin de prendre en compte les nouvelles données à disposition ainsi que les progrès qui auront été enregistrés.
Enfin, le dernier axe est celui de la flexibilité accordée par les institutions européennes aux Etats membres pour la mise en œuvre des obligations découlant de la directive « Qualité de l’air ». Ces derniers auront en effet la possibilité de bénéficier d’une période supplémentaire, voire d’une exemption limitée dans le temps, pour atteindre les objectifs de réduction imposés, sous réserve du respect de certaines conditions. Ainsi, aux termes de l’article 22 de la nouvelle directive, les Etats membres devront notifier à la Commission les zones ou agglomérations dans lesquelles les valeurs limites fixées ne peuvent pas être respectées, soit parce que les délais fixés sont trop courts (paragraphe 1), soit en raison des caractéristiques du site (paragraphe 2). Un report de cinq ans dans les délais, respectivement une exemption de toute obligation d’appliquer les valeurs fixées par la directive jusqu’en avril 2011, pourront être accordés par la Commission à condition que l’Etat membre qui requiert une dérogation prouve que toutes les mesures ont été prises et seront prises pour assurer, à terme, le respect des obligations communautaires.
On pourrait regretter que la directive « Qualité de l’air » laisse entièrement aux Etats membres le choix des mesures pour réduire la pollution de l’air et leur accorde en plus une flexibilité dans la mise en œuvre de leurs obligations. En effet, la gravité de cette question exige de prendre des mesures fortes. Il faut toutefois remarquer que c’est au niveau local que devront nécessairement passer la majeure partie des actions visant à améliorer la qualité de l’air, même si l’impact de ces actions sera incontestablement global. Les différences quant aux moyens structurels et financiers dont disposent chacune des régions des Etats membres ne doivent pas être sous-estimées et il est important que cet aspect soit reconnu et prise en compte au niveau européen. Par ailleurs, le texte de la directive insiste largement sur les conséquences économiques en mettant l’accent sur l’impact énorme de la pollution de l’air sur les coûts en matière de santé. Gageons que cet argument pourrait finalement faire la différence dans la bonne volonté des Etats membres à mettre en œuvre cette directive.
Reproduction autorisée avec indication : Eléonore Maitre, "Directive « Qualité de l’air » : simplification, renforcement et flexibilité", www.ceje.ch, actualité du 17 avril 2008.