Dans son arrêt Makhlouf du 21 janvier 2015 (aff. T-509/11), le Tribunal de l'Union européenne a apprécié la compatibilité de mesures restrictives, adoptées en matière de politique étrangère de sécurité commune, avec le respect des droits fondamentaux des individus visés par lesdites mesures.
Mohammad Makhlouf, oncle de Bachar Al-Assad, réclamait l’annulation des décisions 2011/488, 2011/782 et 2012/739 en ce qu’elles l’incluaient dans une liste de personnes soumises à des mesures restrictives, du fait de leur implication dans la répression violente de la population civile syrienne. Le Tribunal rejette le recours formé par M. Makhlouf. Il maintient à son encontre l’interdiction d’entrée et de passage sur le territoire des Etats membres de l’Union européenne, ainsi que les gels de fonds et de ressources électroniques prévus par les décisions contestées.
Le recours en annulation présenté par M. Makhlouf s’articule autour de sept moyens tirés d’une violation de ses droits fondamentaux.
Dans le premier moyen, le requérant affirme avoir été victime d’une violation de ses droits de la défense et de son droit à un procès équitable. Il soutient que des sanctions lui ont été infligées, alors qu’il n’avait pas été préalablement entendu et que les motifs de ces décisions ne lui ont pas été clairement communiqués. Après avoir réaffirmé le droit d’accès au dossier, le droit d’être entendu et le droit à une protection juridictionnelle effective protégés par les articles 41, paragraphe 2, et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, le Tribunal rappelle que ces droits peuvent être soumis à des limitations, conformément à l’article 52 de ladite charte. Citant l’arrêt Makhlouf contre Conseil du 13 septembre 2013 (aff. T-383/11), le Tribunal relève que la notification préalable à l’intéressé de son inscription sur la liste des personnes visées par des mesures restrictives aurait compromis l’efficacité de ces dernières. En ce qui concerne le maintien du nom de M. Makhlouf sur la liste des personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le Tribunal précise que, si, en principe, une telle mesure doit faire l’objet d’une notification, une exception existe lorsque les motifs du maintien sont essentiellement les mêmes que ceux de l’inscription initiale. Le Tribunal considère que tel était le cas en l’espèce. Le droit du requérant d’être entendu n’a donc pas été violé. De surcroît, le Tribunal estime qu’aucune violation des droits de la défense du requérant n’a été commise puisque le requérant n’a pas été privé de son droit de présenter des observations individuelles et qu’il a pu formuler un recours en annulation à l’encontre des décisions litigieuses.
Le Tribunal rejette ensuite successivement les deuxième et troisième moyens tirés respectivement d’un défaut de motivation et d’une erreur d’appréciation. Il souligne que la motivation de l’inscription de Mohammad Makhlouf sur les listes litigieuses ne saurait être analysée indépendamment de celle de l’inscription d’autres dirigeants syriens sur ces mêmes listes, en raison des liens familiaux qui les unissent. Il met ensuite en exergue que « le simple fait que le requérant soit l’oncle de Bachar Al-Assad et, par là même, le doyen de la famille dirigeante, suffit pour que le Conseil [de l’Union européenne] puisse considérer qu’il est lié aux dirigeants syriens dès lors que la gestion familiale du pouvoir est un fait notoire dont le Conseil pouvait tenir compte».
En réponse au quatrième moyen affèrent à l’existence d’une violation du droit à un recours effectif, le Tribunal relève que les décisions contestées prévoyaient la possibilité pour les personnes visées par les mesures restrictives de demander un réexamen. De plus, il précise que la demande d’annulation présentée par M. Makhlouf à l’encontre de cette décision constitue un recours effectif.
Enfin, le Tribunal se livre à un examen conjoint des cinquième, sixième et septième moyens tirés de la violation de droits fondamentaux, notamment le principe de proportionnalité, le droit à la propriété et le droit à la vie privée. Le Tribunal rappelle que ces droits ne sont pas absolus et que les limitations qui leur ont été appliquées en l’espèce s’avéraient nécessaires et proportionnées pour répondre au motif d’intérêt général que constitue la protection des populations civiles. Le Tribunal énonce enfin que le droit à la vie privée n’a pas pour objectif de protéger un justiciable contre une baisse de son niveau de vie et que le Conseil de l’Union européenne n’a, par conséquent, pas porté atteinte au droit de propriété de M. Makhlouf.
Le Tribunal de l’Union européenne a donc débouté le requérant et l’a condamné aux dépens. Il convient toutefois de souligner que ce n’est pas la fin de la « saga» puisque M. Makhlouf fait également l’objet de mesures restrictives plus récentes dont il sollicite l’annulation dans une affaire en cours (aff. T-443/13).
Hélène Julien «Mesures restrictives adoptées à l’encontre de l’oncle de Bachar Al-Assad et respect des droits fondamentaux», www.ceje.ch, actualité du 4 février 2015