Dans l’arrêt Hay du 12 décembre 2013, la Cour de justice a qualifié de discrimination une inégalité de traitement, résultant de la distinction opérée en droit français entre le mariage et le PACS.
M. Hay, employé au Crédit agricole, a conclu un PACS avec une personne du même sexe et a demandé l’octroi de certains bénéfices destinés, en vertu de la convention collective de son employeur, aux seuls couples mariés. Lors du refus de ces bénéfices, M. Hay a saisi les juridictions des Prud’hommes d’une action en indemnité qui a été rejetée sur le fondement de la distinction établie par le droit civil français entre le mariage et le PACS. Ce jugement a été confirmé par le juge d’appel qui a soutenu que l’inégalité de traitement alléguée ne résultait pas d’une discrimination fondée sur la situation familiale ou l’orientation sexuelle du requérant, mais d’une différence de statuts prévue par le droit français, ayant pour effet de ne pas placer les partenaires enregistrés et les couples mariés dans une situation identique. M. Hay s’est alors pourvu en cassation, en faisant valoir une violation de la directive 2000/78, portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. La Cour de cassation française a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une demande de décision préjudicielle en interprétation, en demandant si ladite directive s’oppose à un choix d’un législateur national en matière matrimoniale, dont la conséquence est que certains bénéfices prévus dans une convention collective soient octroyés uniquement aux époux mariés et non aux partenaires d’un PACS.
Après avoir confirmé l’application de la directive 2000/78 dans l’affaire au principal, la Cour de justice a considéré qu’en vertu d’une jurisprudence constante, l’existence d’une discrimination exige que les situations mises en balance soient comparables. Dans l’affaire au principal, la comparaison porte sur l’examen des droits et obligations des époux mariés d’une part, et ceux des partenaires enregistrés, d’autre part. La comparaison ainsi effectuée a permis à la Cour de conclure que les personnes liées par un PACS se trouvent, en effet, dans une situation comparable à celle des couples mariés. Le fait qu’en vertu d’une décision du Conseil constitutionnel français de 2011, le mariage et le PACS ne sont pas comparables au regard du droit à une pension de réversion, ne saurait, selon la Cour de justice, exclure la comparabilité des situations des travailleurs mariés et des travailleurs homosexuels liés par un PACS au regard des bénéfices concernés dans l’affaire au principal, à savoir, l’octroi de jours de congés et des primes à l’occasion d’un mariage. En ce qui concerne l’existence d’une discrimination, il ressort de la jurisprudence de la Cour de justice qu’une législation d’un Etat membre en vertu de laquelle le mariage n’est possible qu’entre personnes de sexe différent, établit une discrimination directe fondée sur l’orientation sexuelle à l’encontre des travailleurs salariés homosexuels, titulaires d’un PACS se trouvant dans une situation comparable à celle des couples mariés. Le fait que la différence de traitement introduite par le droit français est opérée sur le fondement du statut civil des personnes et non sur leur orientation sexuelle, ne saurait conduire à conclure à l’absence d’une telle discrimination. Dès lors qu’aucun des motifs justificatifs à une discrimination au sens de la directive 2000/78 n’a été invoqué dans le cadre de l’affaire au principal, la Cour de justice a jugé que ladite directive doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une disposition d’une convention collective, en vertu de laquelle un travailleur salarié lié par un PACS avec une personne du même sexe ne saurait avoir droit aux bénéfices réservés aux couples mariés, dès lors que cette personne se trouve dans une situation comparable à celle de ces derniers.
Reproduction autorisée avec l'indication: Ljupcho Grozdanovski, "La différence entre le mariage et le PACS s'agissant d'une prime au mariage est jugée discriminatoire par la Cour de justice", www.ceje.ch, actualité du 18 décembre 2013.