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Affaire IBP et International Building Products France : Quelques éclaircissements sur l’approche du droit de la concurrence à l’égard des groupes de sociétés

Adrien Alberini , 25 avril 2007

Le 20 septembre 2006, la Commission a infligé une amende à IBP Ltd et sa filiale International Buildings Products France pour avoir été parties à un ensemble d’accords et de pratiques concertées anticoncurrentiels. Au moment des faits, IBP Ltd était détenue par Oystertec plc (par la suite devenue Advanced Fluid Connections Ltd) de sorte que cette dernière est solidairement tenue au paiement de l’amende. En mars 2006, Advanced Fluid Connections Ltd a été placée sous administration judiciaire. Après ce placement et, par conséquent, après la fin des accords anticoncurrentiels - mais avant la décision de la Commission - ses filiales ont été cédées à un premier groupe (Endless LLP) qui les a, à son tour, partiellement transférées à un second groupe (Sun Capital Partners Inc.). Ce dernier est devenu l’actionnaire principal de IBP Ltd.

IBP Ltd et sa filiale International Buildings Products France ont formé un recours contre la décision de la Commission et, ce type de recours n’ayant pas d’effet suspensif, déposé auprès du juge des référés une demande de sursis à l’exécution de ladite décision (aff. T-384/06 R).

Il est possible de surseoir à une mesure d’exécution tant qu’une affaire est pendante devant le TPI, à condition qu’une garantie bancaire acceptable soit constituée. Seules des circonstances exceptionnelles peuvent justifier la dispense d’une telle obligation de garantie. Cela peut être le cas si l’entreprise prouve qu’il lui est objectivement impossible de constituer cette garantie ou que sa constitution mettrait en péril son existence. Une lettre de refus de constitution de garantie d’un établissement bancaire ne suffit pas, ledit refus devant être évalué à la lumière de la situation économique de l’entreprise.

Conformément à une jurisprudence constante (aff. T-191/98 R et C-364/99 P (R)), il convient de tenir compte du groupe de sociétés dont dépendent les entreprises pour apprécier leur situation économique. Un refus d’assistance de la part de l’actionnaire majoritaire de la société concernée ne suffit pas à exclure la prise en compte de la situation financière de l’ensemble du groupe. Cette approche se justifie à deux égards :

En premier lieu, une telle exigence tient à l’intérêt public qui s’attache à l’exécution des décisions de la Commission et à la sauvegarde des intérêts financiers de la Communauté. Le risque serait grand qu’un groupe organise l’insolvabilité de l’entreprise destinataire d’une décision lui infligeant des amendes, en l’absence de la constitution d’une garantie bancaire, ce qui la mettrait dans l’impossibilité de régler l’amende une fois que le Tribunal aurait statué au principal. Cet intérêt public ne saurait être remis en cause par la circonstance selon laquelle les actionnaires d’une entreprise destinataire d’une amende estiment qu’il est dans leur intérêt personnel de laisser cette entreprise entamer une procédure de faillite plutôt que de se substituer à elle pour constituer une garantie bancaire.

En deuxième lieu, selon le principe de coïncidence des intérêts, les intérêts objectifs des entreprises concernées ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes qui les contrôlent.

Il ressort de ce qui précède que, en l’espèce, la situation économique des sociétés-mères, soit Sun Capital Partners Inc. et Endless LLP, doit être prise en compte pour apprécier la demande de dispense déposée par IBP Ltd et sa filiale (sociétés-filles). Implicitement, cela signifie que Sun Capital Partners Inc. et Endless LLP peuvent être amenées à verser la garantie à la place de leurs filiales, même si elles n’ont acquises ces dernières qu’après la fin des accords anticoncurrentiels.

De manière plus générale, cette décision contribue à éclaircir l’approche que réserve le droit de la concurrence à l’égard des groupes de sociétés. On attirera l’attention sur l’ensemble des obligations qui incombent aux sociétés-mères pour les comportements anticoncurrentiels de leurs sociétés-filles. En particulier, la présente décision montre que de telles obligations peuvent naître même si l’acquisition des sociétés-filles intervient une fois les comportements anticoncurrentiels terminés.


Reproduction autorisée avec indication : Adrien Alberini, "Affaire IBP et International Building Products France : Quelques éclaircissements sur l’approche du droit de la concurrence à l’égard des groupes de sociétés", www.ceje.ch, actualité du 25 avril 2007.

Catégorie: Concurrence