Les 18 et 19 février 2016, les chefs d’Etat ou de gouvernement de l’Union européenne se sont réunis pour parvenir à un accord concernant un nouvel arrangement pour le Royaume- Uni au sein de l’Union européenne. Les conclusions du 19 février reflètent les mesures auxquelles les parties se sont engagées et révèlent la diversité des instruments choisis à cet effet. Ainsi, les actes adoptés ont été une décision du Conseil européen, une déclaration concernant un projet de décision du Conseil européen, une déclaration du Conseil européen et quatre déclarations de la Commission.
Bien que l’accord porte sur des matières variées, telles que l’union bancaire, la compétitivité ou la souveraineté de l’Etat, la question la plus controversée politiquement était sans doute celle de l’immigration. Il est dès lors intéressant de souligner les principales mesures qui ont été adoptées à cet égard.
Le Conseil européen signale que certains Etats membres peuvent être plus attirants que d’autres en termes d’offres d’emploi et de systèmes de sécurité sociale ; de ce fait, « il est légitime de tenir compte de cette situation et de prévoir, au niveau de l'Union comme au niveau national, des mesures qui, sans créer de discrimination directe ou indirecte injustifiée, permettent de limiter les flux de travailleurs d'une importance telle qu'ils ont des incidences négatives à la fois pour les États membres d'origine et pour les États membres de destination ».
Pour ce faire, deux types de mesures sont adoptées : (i) une ré-interprétation des règles actuelles du droit de l’Union, et (ii) des modifications du droit dérivé de l’Union.
Pour ce qui est du premier volet, il est mis en avant que les Etats membres disposent d'une large marge d'appréciation pour définir et mettre en œuvre leur politique sociale et en matière d'emploi, y compris la fixation des conditions d'accès aux prestations sociales. L’accord rappelle d’abord les règles générales que la Cour de justice de l’Union européenne (la Cour) a développées lorsqu’elle a été amenée à interpréter les articles 45, 20 et 21 TFUE. Ainsi, il signale que les personnes qui exercent leur droit à la libre circulation dans le seul but d’obtenir des aides sociales de la part de l’Etat membre d’accueil peuvent se voir refuser de telles prestations, en confirmant ainsi la jurisprudence dans les affaires Dano ou Alimanovic. Cependant, l’accord établit également que les Etats membres peuvent agir pour « traiter des cas de recours à la libre circulation comme moyen de contournement des règles nationales en matière d'immigration applicables aux ressortissants de pays tiers ». On peut se demander si cela ne pourrait pas aller à l’encontre de la jurisprudence de la Cour telle qu’établie dans les arrêts Singh, Chen ou Akrich. La Cour a signalé que « les intentions qui ont pu inciter un travailleur d'un État membre à chercher du travail dans un autre État membre sont indifférentes en ce qui concerne son droit d'entrée et de séjour sur le territoire de ce dernier État, du moment où il exerce ou souhaite exercer une activité réelle et effective » (Akrich, point 55).
En ce qui concerne le deuxième volet, l’accord prévoit de modifier trois instruments législatifs : le règlement no 883/2004, le règlement no 492/2011 et la directive 2004/38. Tout d’abord, concernant le règlement sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, il est prévu d’accorder aux Etats membres « en ce qui concerne l'exportation des allocations familiales vers un État membre autre que celui où le travailleur réside, la possibilité d'indexer ces prestations sur les conditions qui prévalent dans l'État membre où l'enfant réside ». Par rapport au règlement sur la libre circulation des travailleurs, un mécanisme d'alerte et de sauvegarde sera mis en place et pourra être utilisé dans les situations d’afflux exceptionnel de travailleurs provenant d’autres Etats membres pendant une période de quatre ans maximum et qui permettra de limiter les prestations sociales liées à l’emploi pendant cette période. Finalement, en ce qui concerne la directive sur la libre circulation des citoyens, une des déclarations de la Commission signale qu’elle sera modifiée afin d’ «exclure du champ d'application des droits de libre circulation tout ressortissant d'un pays tiers qui n'a pas préalablement séjourné de manière légale dans un État membre avant de se marier avec un citoyen de l'Union ou qui ne se marie avec un citoyen de l'Union qu'après que celui-ci a établi sa résidence dans l'État membre d'accueil ».
Tous ces changements, bien qu’allant moins loin que ce que le Premier Ministre David Cameron aurait aimé, constituent des modifications importantes qui seront apportées au régime actuel sur la libre circulation des personnes au sein de l’Union lorsque, et si, le gouvernement du Royaume-Uni déclare au secrétaire général du Conseil que le Royaume-Uni a décidé de rester membre de l’Union européenne.
Elisabet Ruiz Cairó, "Accord sur un nouvel arrangement pour le Royaume-Uni au sein de l’Union européenne en matière d’immigration", actualité du 4 mars 2016, disponible sur www.ceje.ch