En droit de l’Union européenne, les ressortissants d’Etats tiers peuvent se prévaloir des articles 16 et 18 de la directive 2004/38 afin d’obtenir un droit de séjour en tant que membres de la famille d’un citoyen de l’Union européenne séjournant dans un autre Etat membre que celui de sa nationalité. En particulier, un droit de séjour peut être reconnu en faveur d’un ressortissant d’un Etat tiers, enfant d’un citoyen de l’Union européenne, qui poursuit ses études sur le territoire de l’Etat membre d’accueil, en application de l’article 12 du règlement nº 1612/68, devenu l’article 10 du règlement nº 492/2011.
Dans un arrêt du 8 mai 2013, la Cour de justice de l’Union européenne s’est penchée sur la question de l’articulation de l’article 12 du règlement n° 1612/68 avec les dispositions pertinentes de la directive 2004/38, afin de répondre à deux questions posées par l’Upper Tribunal de Londres. La première visait à préciser les conditions auxquelles doit satisfaire un ressortissant d’un Etat tiers en tant que parent d’un enfant majeur, bénéficiaire d’un droit de séjour sur le fondement de l’article 12 du règlement nº 1612/68 au regard de ses études, pour pouvoir prétendre à un droit de séjour dérivé de celui de son enfant. La seconde concernait le point de savoir si les périodes de séjour accomplies dans l’Etat membre d’accueil par cet enfant en application de l’article 12 du règlement nº 1612/68, ainsi que par son parent, au titre de la même disposition, peuvent être prises en considération aux fins de l’acquisition par ceux-ci d’un droit de séjour permanent au sens de la directive 2004/38, dans la mesure où les conditions établies par ladite directive aux fins de la reconnaissance d’un tel droit n’étaient pas satisfaites.
Dans cette affaire, le litige opposait une mère et son fils, tous deux ressortissants nigérians, aux autorités nationales au sujet du refus par celles-ci de la reconnaissance en leur faveur d’un droit de séjour permanent sur le territoire du Royaume-Uni, en tant que membres de la famille d’un citoyen de l’Union européenne ayant exercé son droit à la libre circulation sur le territoire de cet Etat membre. A l’appui dudit refus, les autorités britanniques avaient invoqué le fait que les intéressés n’avaient pas pu prouver la qualité de travailleur salarié du citoyen de l’Union européenne pendant une période ininterrompue de cinq ans, tel que prévu à l’article 16 de la directive 2004/38. De surcroît, le juge au fond avait rejeté les allégations de ceux-ci liées à l’existence d’un droit de séjour permanent obtenu après le divorce des conjoints ainsi qu’à l’existence d’une violation de leur droit fondamental au respect de la vie privée et familiale.
S’agissant des conditions dans lesquelles le parent d’un enfant majeur, effectuant ses études dans l’Etat membre d’accueil, peut bénéficier sur le territoire de cet Etat membre d’un droit de séjour au titre de l’article 12 du règlement nº 1612/68, la Cour de justice souligne que la survenance de la majorité n’empêche pas la reconnaissance d’un tel droit, pour autant que l’enfant continue d’avoir besoin de la présence et des soins de ce parent afin de pouvoir poursuivre et terminer ses études. L’appréciation d’une telle situation incombe au juge national, qui doit, dans le cadre de son examen, prendre en considération les circonstances propres au litige au principal, tel que « l’âge de l’enfant, la résidence du foyer familial ou le besoin d’un soutien parental sur le plan financier ou affectif ».
La Cour de justice aborde ensuite la question des rapports entre les dispositions de la directive 2004/38 et l’article 12 du règlement nº 1612/68, afin de déterminer si les périodes de séjour accomplies sur le fondement de ce dernier article peuvent conduire à l’acquisition d’un droit de séjour permanent par un membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne au titre de ladite directive. A cet égard, elle considère d’abord que la reconnaissance d’un tel droit en vertu de l’article 16 de la directive 2004/38 est subordonnée au respect de deux catégories de conditions. La première catégorie vise l’existence d’une communauté de vie des intéressés pendant une période interrompue de cinq ans, tel que prévu au paragraphe 2, de l’article 16, de ladite directive. La seconde concerne le caractère légal du séjour du citoyen de l’Union européenne, qui doit être examiné à la lumière de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38. En vertu de cet article, la notion de séjour légal doit être examinée par référence à trois critères alternatifs, à savoir, l’exercice d’une activité salariée ou non salariée dans l’Etat membre d’accueil (l’article 7, paragraphe 1, sous a), l’existence de ressources suffisantes et d’une assurance maladie complète dans ce même Etat membre (l’article 7, paragraphe 1, sous b) et, enfin, la poursuite des études à titre principal, y compris l’inscription à une formation professionnelle, corrélées avec l’existence d’une assurance maladie complète et de ressources suffisantes (l’article 7, paragraphe 1, sous c). S’agissant de la question de l’appréciation d’un droit de séjour permanent en faveur des membres de la famille d’un citoyen de l’Union européenne sur le fondement de l’article 18 de la directive 2004/38, lu en combinaison avec les articles 12 et 13 de la même directive, qui régit la reconnaissance d’un tel droit en cas de décès de ce citoyen, de divorce, d’annulation du mariage ou de rupture d’un partenariat enregistré, la Cour de justice considère que ces membres de la famille doivent eux-mêmes démontrer, aux fins de l’octroi d’un tel droit, qu’ils remplissent les mêmes conditions que celles énoncées à l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2004/38. En conséquence, la circonstance qu’un ressortissant d’un Etat tiers, membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne, a bénéficié d’un droit de séjour sur le seul fondement de l’article 12 du règlement nº 1612/68, ne saurait conduire à l’acquisition d’un droit de séjour au sens de l’article 16 ou 18 de la directive 2004/38.
L’approche circonspecte adoptée par la Cour de justice dans cet arrêt est évidente. L’interprétation très large prônée dans le cadre de l’application de l’article 12 du règlement nº 1612/68, par l’assimilation de la situation des parents d’enfants majeurs à celle des parents d’enfants mineurs, est contrebalancée par la solution restrictive retenue dans le cadre de l’examen des rapports entre ce dernier article et les dispositions pertinentes de la directive 2004/38. Ainsi, les périodes de séjour accomplies sur le fondement de l’article 12 du règlement nº 1612/68 sans que soient satisfaites les conditions prévues pour bénéficier d’un droit de séjour permanent au titre de la directive 2004/38, ne sauraient être prises en considération aux fins de l’acquisition, par les membres de la famille d’un citoyen de l’Union n’ayant pas la nationalité d’un Etat membre, du droit séjour permanent au sens de celle-ci.
Reproduction autorisée avec l’indication: Mihaela Nicola, "Conditions pour l’acquisition d’un droit de séjour permanent pour un ressortissant d’un Etat tiers", www.ceje.ch, actualité du 16 mai 2013.