Dans son arrêt du 26 mars 2015 (aff. C-556/13), la Cour de justice a examiné la compatibilité d’un contrat d’assurance automobile obligatoire avec la directive 90/232 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives à l'assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs[1].
Le litige opposait une société de transport routier à une société d’assurance en Lituanie. La société de transport avait conclu des contrats d’assurance automobile obligatoire, qui prévoyaient une utilisation des véhicules uniquement sur territoire lituanien. Elle devait également informer au préalable la société d’assurance si elle avait l’intention d’utiliser ses véhicules dans un autre Etat membre de l’Union européenne et verser un complément de prime. Au cours de l’année 2009, deux véhicules appartenant à la société de transport ont été impliqués dans des accidents de la circulation survenus au Royaume-Uni et en Allemagne. L’assurance a indemnisé les victimes de ces accidents. En estimant que la société de transport n’avait pas respecté les clauses des contrats, la société d’assurance a réclamé le remboursement de la moitié des indemnités versées.
Dans ce contexte, la juridiction nationale a demandé à la Cour de justice si la directive 90/232 ne s’oppose pas à des contrats d’assurance qui, comme en l’espèce, prévoient une prime différente si un véhicule est appelé à circuler uniquement sur le territoire de l’Etat membre, dans lequel il est habituellement stationné, ou sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. La juridiction nationale a en outre, demandé, comment l’article 2 de la directive devrait être interprété. En vertu de cette disposition, les Etats membres ont l’obligation de prendre les mesures nécessaires afin que toutes les polices d’assurance automobile obligatoire couvrent la totalité du territoire de l’Union, y compris tout séjour du véhicule dans d’autres Etats membres, sur la base d’une prime unique.
La Cour de justice a d’abord clarifié si les dispositions de l’article 2 visaient uniquement les rapports entre l’assureur et la victime, ou également ceux entre l’assureur et l’assuré. En l’espèce, les victimes des deux accidents survenus en Allemagne et au Royaume-Uni ont été indemnisées, mais la question restait de savoir si un assureur peut se retourner contre l’assuré pour obtenir le remboursement de la moitié des indemnités versées lorsque lesdits accidents surviennent sur le territoire d’un État membre autre que celui où le véhicule est habituellement stationné. La Cour a rappelé que la directive 90/232 vise au rapprochement des législations relatives à l’assurance automobile obligatoire, et cela au sein des Etats membres. Par ce système, les Etats membres doivent veiller à ce que tout propriétaire ou détenteur d’un véhicule signe un contrat avec une compagnie d’assurances afin de faire garantir sa responsabilité civile résultant dudit véhicule (voir arrêt Csonka e.a., aff. C-409/11, pt 28). De plus, la Cour a précisé que la directive vise à renforcer la protection des victimes d’accidents causés par la circulation d’un véhicule et celle des assurés, et à faciliter le franchissement des frontières intérieures de l’Union. Finalement, la Cour a rappelé qu’une opération d’assurance se caractérise généralement par le fait que l’assureur se charge, moyennant le paiement préalable d’une prime, de procurer à l’assuré, en cas de réalisation du risque couvert, la prestation convenue lors de la conclusion du contrat (voir arrêts CPP, aff. C‑349/96, pt 17, et Skandia, aff. C-240/99, pt 37).Au regard de ce qui précède, la Cour a conclu qu’une prime qui varie en fonction du lieu où le véhicule assuré est appelé à circuler est contraire à la directive 90/232.
Le raisonnement de la Cour est convaincant. Une société de transport ne devrait pas courir un risque financier plus important pour les services de transport qui sont offerts dans un autre Etat membre de l’Union que dans son Etat d’origine. Admettre le contraire, ne faciliterait pas le franchissement des frontières intérieures de l’Union et donc l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur.
Stefanie Schacherer «Prime d’assurance automobile obligatoire et droit de l’Union européenne », www.ceje.ch, Actualité du 9 avril 2015
[1]La directive est entretemps remplacée par la directive 2009/103 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité (JO L 263, p. 11). Toutefois, les faits au principal étant survenus antérieurement à l’entrée en vigueur de la directive 2009/103.