Par un arrêt rendu le 15 mars 2012, la Cour de justice de l’Union européenne précise sa jurisprudence concernant le droit des marques.
Deux questions préjudicielles sont posées par le Bundespatentgericht (la Cour fédérale des Brevets). Celles-ci portent sur l’interprétation de l’article 3§1 sous b) et c) de la directive 2008/95 du 22 octobre 2008, rapprochant les législations des Etats membres sur les marques.
Dans les affaires jointes Strigl (C-90/11) et Securita (C-91/11), un refus d’enregistrement des marques est opposé sur le fondement de la législation allemande (article 8§2, points 1 et 2 de la loi sur la protection des marques). Multi Markets fund MMF désigne un fonds de placement actif dans plusieurs marchés financiers et NAI-Der Natur-Aktien-Index se rapporte à un index boursier regroupant des actions de sociétés à orientation écologique.
Le Deutsches Patent und Markenamt rejette la demande d’enregistrement des présentes marques verbales eu égard à leur caractère descriptif. Des recours sont ensuite introduits devant le Bundespatentgericht visant à l’annulation de ces décisions.
La juridiction de renvoi sursoit à statuer et soulève une question préjudicielle identique dans les deux affaires. Celle-ci cherche à savoir si les motifs de refus prévus à l’article 3§1 sous b) et c) de la directive « s’appliquent à une marque verbale composée de la juxtaposition d’un syntagme descriptif et d’une abréviation des lettres initiales des mots composant ledit syntagme ».
L’article 3 §1 sous b) et c) de la directive prévoit respectivement un refus d’enregistrement ou la nullité de la marque lorsque cette dernière est dépourvue de caractère distinctif ou qu’elle est exclusivement descriptive. Le droit des marques vise à cet effet la protection des intérêts du demandeur ou du titulaire d’une marque et la prise en compte d’intérêts généraux.
L’intérêt général pertinent souligne l’exigence du caractère distinctif de la marque qui est une fonction essentielle de cette dernière (arrêt du 22 septembre 2011, Interflora et Interflora British Unit, aff. C-323/09, point 39). Le consommateur doit pouvoir distinguer sans confusion possible les produits ou les services couverts par la marque d’autres produits ou services ayant une provenance différente.
L’impératif de disponibilité de signes ou d’indications descriptifs est également visé. L’article 3§1 c de la directive poursuit un but d’intérêt général empêchant que de tels signes ou indications puissent être réservées à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque (les arrêts du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C-173/04, point 62, du 4 mai 1999, Windsurfing Chiemsee, aff. C-108/97, point 25).
En l’espèce, les abréviations « MMF » et « NAI » sont accolées respectivement aux syntagmes Multi Markets fund et Der Natur-Aktien-Index. Chaque séquence de lettres est alors conçue pour appuyer la perception par le public du syntagme (point 32 de l’arrêt).
Selon la Cour, il s’ensuit que le « public percevant les marques en cause au principal comme fournissant des informations caractéristiques des services qu’elles désignent, celles-ci doivent être considérées comme descriptives, au sens de l’article 3 §1, sous c) et donc dépourvus de caractère distinctif pour les services concernés au sens de l’article 3 §1 sous b) de la directive » (point 39 de l’arrêt).
Cette décision confirme « le chevauchement évident des champs d’applications respectifs des motifs énoncés aux points b) et c) de ladite disposition » (point 85 de l’arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, aff. C-363/99). L’on peut également se rapporter à la jurisprudence de la Cour concernant l’article 7 (1) b) et c) du règlement n°207/2009. Celle-ci renseigne sur les éléments d’appréciation du caractère distinctif d’une marque communautaire (CJCE, 8 mai 2008, aff. C-304/06 P, Eurohypo AG c/ OHMI, Eurohypo, pt 69).
La Cour précise le sens de l’article 3§1 sous b) et c) en confirmant qu’une marque verbale descriptive est nécessairement dépourvue de caractère distinctif (point 86 de l’arrêt du 12 février 2004, Koninklijke KPN Nederland, C-363/99). Le refus d’enregistrement d’une marque s’étend désormais à la juxtaposition d’un syntagme descriptif et d’une séquence de lettre non descriptive. La marque, telle que perçue par le public, est une combinaison d’abréviations descriptives en ce qu’elle reprend la première lettre de chaque mot du syntagme. La cour en déduit que la marque, comprise dans son ensemble, est dépourvue de caractère distinctif.
Reproduction autorisée avec l’indication: Bouillot, Christophe, "Etendue d'un refus d'enregistrement d'une marque en vertu de la Directive 2008/95", www.ceje.ch, actualité du 29 mars 2012