fb-100b.png twitter-100.pnglinkedin-64.png | NEWSLETTER  |  CONTACT |

Application à tout le territoire de l'Union européenne d'une interdiction de contrefaçon prononcée par un tribunal national

Araceli Turmo , 20 avril 2011

L’arrêt rendu le 12 avril dernier dans l’affaire DHL Express France c./ Chronopost a fourni à la Cour de justice l’opportunité de clarifier l’interprétation du règlement n° 40/94 concernant les effets juridiques des décisions constatant la contrefaçon ou la menace de contrefaçon d’une marque communautaire. En effet, dans le système mis en place par ce règlement, des juridictions nationales sont appelées à agir en qualité de tribunaux des marques communautaires, et donc en tant que juridictions spécifiques de l’Union. Des interrogations sont donc apparues quant à l’étendue de leur compétence, et quant à la mesure dans laquelle il convient de différencier cette fonction de leur statut habituel de « juge de droit commun de l’Union ».

Dans le litige en cause au principal, Chronopost, titulaire de marques communautaire et française portant sur le signe « WEBSHIPPING », a assigné DHL Express France, notamment pour contrefaçon de la marque communautaire, devant le tribunal de grande instance de Paris, saisi en tant que tribunal des marques communautaires. Ce dernier a condamné Chronopost pour contrefaçon de la marque française sans statuer sur la marque communautaire. La cour d’appel de Paris a confirmé cette décision, et interdit, sous astreinte, la poursuite de l’usage par DHL des signes en question, mais elle a limité les effets de cette interdiction au territoire français. Chronopost a formé un pourvoi incident sur ce point, et la Cour de cassation a interrogé la Cour de justice sur l’étendue d’une interdiction et d’une astreinte prononcées par un tribunal des marques communautaires.

Dans son arrêt, la Cour se réfère longuement aux objectifs du règlement n° 40/94, et au caractère unitaire des marques communautaires. Elle a estimé que la protection uniforme de ces titres exige que l’interdiction de poursuivre des actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon s’étende, en principe, à tout le territoire de l’Union. De même, elle a estimé qu’une mesure coercitive prononcée par le tribunal, en vertu de son droit national, doit être exécutée par les juridictions des autres Etats membres où l’interdiction a effet. Si leur droit national ne prévoit pas une telle mesure, elles devront appliquer les dispositions de leur droit national permettant une garantie équivalente du respect de l’interdiction prononcée. Cette obligation constitue en effet le prolongement logique de celle qui est imposée aux tribunaux des marques communautaires, de prendre les mesures coercitives nécessaires à l’exécution de décisions portant interdiction d’actes de contrefaçon.

Cette décision paraît donc avant tout dictée par la nécessité matérielle de garantir l’efficacité et la cohérence de la marque communautaire, et de son modèle juridictionnel propre. Elle a cependant pour conséquence de donner une portée erga omnes, dans toute l’Union européenne, aux décisions de juridictions nationales dans un domaine du droit de l’Union. Elle constitue en cela une étape importante pour la compréhension de ce système, encore en construction, et qui complexifie encore le statut des juridictions nationales comme juges du droit de l’Union.


Reproduction autorisée avec l’indication: Turmo Araceli, "Application à tout le territoire de l'Union européenne d'une interdiction de contrefaçon prononcée par un tribunal national", www.ceje.ch, actualité du 20/04/2011