Lors d’un discours prononcé le 16 novembre à Versailles, le Président français François Hollande a invité le ministre de la Défense à saisir « ses homologues européens au titre de l’article 42, paragraphe 7 » du traité sur l’Union européenne (traité UE). C’est la première fois que l’article 42, paragraphe 7, du traité UE, que l’on peut qualifier de clause de défense mutuelle, est invoquée.
Cette disposition prévoit un devoir d’aide et d’assistance de la part des Etats membres à l’égard d’un autre Etat membre ayant fait l’objet d’une agression armée.
Toutefois, à la lecture des traités fondateurs, un autre article semble pertinent.
En effet, l’article 222 du traité FUE, intitulé « clause de solidarité », prévoit une action conjointe de l’Union et de ses Etats membres dans le cas où l’un d’entre eux fait l’objet d’une attaque terroriste ou est victime d’une catastrophe naturelle ou d’origine humaine. La décision du Conseil du 24 juin 2014 concerne la mise en œuvre de cette clause par l’Union alors que la mise en œuvre par les États membres est évoquée dans la déclaration n° 37 ad article 222 du traité FUE.
Si l’on devait qualifier ces deux clauses, on pourrait raisonnablement dire que la clause de défense mutuelle a une nature intergouvernementale, alors que la clause de solidarité présente une dimension « communautaire ».
Si l’ensemble des Etats membres sont concernés par les deux dispositions précitées, il n’en est pas de même de l’Union européenne et de ses institutions. En effet, l’article 42, paragraphe 7, du traité UE ne confère pas de compétences spécifiques à l’Union alors que l’article 222 du traité FUE semble engager l’Union et ses institutions. L’article 222 du traité FUE implique l’utilisation d’instruments tant opérationnels, stratégiques, financiers que militaires (voy. l’article 5, paragraphe 2 de la décision 2014/415/UE). Cela est moins évident dans le cadre de l’article 42, paragraphe 7, du traité UE (voy. à ce sujet l’article suivant).
A la lecture des articles, on remarquera que l’article 42, paragraphe 7, du traité UE se réfère à la notion délicate d’agression armée, là où l’article 222 du traité FUE vise l’attaque terroriste et les catastrophes naturelles ou d’origine humaine.
En conséquence, le champ d’application des deux dispositions diffère. L’aide et l’assistance prescrites à l’article 42, paragraphe 7, du traité UE doivent être fournies dans des circonstances plus restreintes que celles justifiant le recours éventuel à l’article 222 du traité FUE. Ces dispositions nous semblent complémentaires. En effet, la plupart des situations critiques sont couvertes par l’article 222 du traité FUE, excepté l’hypothèse dans laquelle un Etat membre serait l’objet d’une agression armée. En revanche, l’article 42, paragraphe 7, du traité UE envisage précisément cette hypothèse. L’afflux migratoire massif pourrait relever de l’article 222 du traité FUE, mais pas de 42, paragraphe 7 du traité UE.
Cela nous donne l’occasion de reprendre les propos tenus à Genève par le Prof. Monar lors de sa conférence intitulée « Solidarity as a constitutional principle of the EU : The test-case of justice and home affairs », dont le texte sera publié dans les Geneva Jean Monnet Working Papers. La clause de solidarité avait été évoquée par le Prof. Monar à propos des problèmes migratoires auxquels l’Union européenne est confrontée. Nous constations alors que cette clause n’avait pas été évoquée à ce sujet. Il en est d’ailleurs de même en ce qui concerne le terrorisme, alors que celui-ci est expressément visé par la clause de solidarité.
Parmi les réactions diverses que ces évènements tragiques engendrent, il y a certes les réactions humaines mais aussi les réactions politiques ayant pour conséquence la mobilisation d’instruments juridiques existants. Les dispositions évoquées permettent d’éviter une attitude «réactionniste» ; il conviendrait de les utiliser à bon escient. On remarquera par ailleurs que l’article 42 paragraphe 7, du traité UE ne précise pas les modalités de sa mise en œuvre. On peut supposer que la France entrera en discussion avec les autres Etats membres de l’Union afin de dessiner les contours que doivent prendre l’aide et l’assistance contenues dans cet article.
Si dans un premier temps, les projecteurs étaient tournés vers la crise migratoire, on constate qu’en cette fin d’année 2015, la thématique s’est élargie et couvre la gestion de la migration, l’espace Schengen, les frontières extérieures de l’Union européenne, et, plus largement les relations extérieures de l’Union européenne. Ces situations sont autant d’occasions pour activer des dispositions telles que celles évoquées ci-dessus, qu’on espérait superflues.
En définitive, l’Union européenne doit faire face à différents défis qui ont leur origine dans les conflits en Syrie et en Irak et dans l’existence de Daech.
Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen se sont prononcés, tantôt sur la question de la sécurité, tantôt sur celle du contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne ou encore sur la prévention de la radicalisation et du recrutement des citoyens.
Les députés européens ont également un discours visant à « [augmenter] la coopération en matière de renseignement et de partage de données, et [investir] dans les compétences et la technologie nécessaires pour lutter contre le terrorisme. »
Le 11 novembre 2015, deux jours avant les attaques terroristes de Paris, Monsieur Robert Badinter, lors des Rencontres internationales de Genève dans une conférence ayant pour thématique « Le terrorisme et la loi », insistait, lui aussi, sur l’importance des mesures techniques et de la surveillance.
Les actes terroristes sont considérés comme une atteinte à l’Etat de droit. Monsieur Badinter soulignait à ce propos que, bien que la tentation de recourir à l’exception face à ces situations existe - entrainant alors un double standard - il était plus judicieux de « conserver les principes de l’Etat de droit, ce qui ne veut pas dire Etat de faiblesse ».
Margaux Biermé, " Réponse au terrorisme : clause de solidarité ou clause de défense mutuelle ?", actualité juridique du 26 novembre 2015, www.ceje.ch