Dans l’arrêt Mac GmbH du 6 novembre 2014 (aff. C-108/13), la Cour de justice de l’Union européenne précise sa jurisprudence relative au commerce parallèle des produits phytopharmaceutiques dans le respect de la libre circulation des marchandises au sein de l’UE.
En l’espèce, le produit phytopharmaceutique cérone bénéficiait d’une autorisation de mise sur le marché (ci-après AMM), délivrée en France, conformément à la directive 91/414 du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Ce produit a ensuite été autorisé au Royaume-Uni à titre d’importation parallèle sous la dénomination « Agrotech Ethephon » et sur la base d’une AMM délivrée pour ce même produit au Royaume-Uni. En 2007, Mac GmbH introduit en France une demande d’autorisation d’importation parallèle (réimportation parallèle en réalité) de « Agrotech Ethephon » pour être commercialisé sous l’appellation « Mac Ethephon ». Sa demande est rejetée au motif que le produit « Agrotech Ethephon » ne bénéficie pas au Royaume-Uni d’une AMM délivrée conformément à la directive 91/414, comme l’exigerait l’article R. 253-52 du code rural français.
La demanderesse allègue l’incompatibilité de ladite décision avec les dispositions de l’article 34 du traité FUE devant le conseil d’Etat. Ce dernier s’en réfère à la Cour de justice afin de savoir si les articles 34 et 36 du traité FUE devraient être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui exclut la délivrance d’une autorisation d’importation parallèle à un produit phytopharmaceutique qui ne bénéficie pas, dans l’Etat membre d’exportation, d’une AMM délivrée conformément à la directive 91/414, alors que ce produit bénéficie d’une autorisation d’importation parallèle dans cet Etat et est identique à un produit autorisé dans l’Etat membre d’importation sur le fondement de la directive 91/414 ?
Pour répondre à cette question, la Cour relève dans un premier temps l’applicabilité des dispositions relatives à la libre circulation des marchandises au commerce parallèle des produits phytopharmaceutiques en invoquant sa jurisprudence Escalier et Bonnarel, puis Commission c. France (aff. C-260/06 et C-261/06 ; C-104/2008). Après avoir rappelé cette solution, la Cour affirme, en se référant à l’arrêt British Agrochemicals Association (aff. C-129/1999), que si le principe de base de la directive 91/414 veut en effet que tout produit mis sur le marché d’un Etat membre y soit au préalable autorisé conformément à des règles et procédures communes, et ceci, afin de protéger la santé humaine, animale ou végétale, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’une telle opération consiste en une importation parallèle d’un produit bénéficiant déjà d’une AMM dans l’Etat membre d’importation, ce dernier pourrait être considéré comme ayant déjà été autorisé dans l’Etat membre d’importation, de sorte à bénéficier de l’AMM délivrée conformément à la directive 91/414 au produit phytopharmaceutique déjà présent sur le marché de cet Etat. Un tel produit bénéficierait dans ce sens d’une présomption d’innocuité vis-à-vis de l’espèce humaine, animale ou encore végétale. Toutefois, le bénéfice de cette présomption est conditionné par l’obligation de l’Etat membre d’importation d’appliquer une procédure dite simplifiée d’autorisation d’importation parallèle visant à vérifier l’identité du produit en question avec celui existant déjà sur le marché d’importation et dont il est censé bénéficier de l’AMM. Cette vérification exige que les deux produits aient « […] à tout le moins, une origine commune […] » au sens de la jurisprudence Commission c. France (aff. C-201/06 cité au point 24) et vise aussi bien les produits qui disposent dans l’Etat membre d’exportation d’une AMM au sens de la directive que ceux qui n’y font que l’objet d’une autorisation d’importation parallèle. Exiger une AMM pour l’importation parallèle d’un produit dans de telles circonstances constituerait une restriction injustifiée aux échanges entre Etats membres, prohibée par l’article 34 du traité FUE.
Ensuite, quand bien même elle admet, que la mise en œuvre de ladite procédure nécessite que les autorités de l’Etat membre d’importation disposent de toutes les informations nécessaires à cette fin, la Cour affirme qu’une interdiction absolue d’importation parallèle de produits phytopharmaceutiques ayant fait l’objet d’une importation parallèle dans l’Etat membre d’exportation ne saurait être justifiée dans le cas de réimportation parallèle sur la base d’ « […] une prétendue insuffisance systématique des données qui peuvent être mises à la disposition de l’Etat membre d’importation ou sur la simple possibilité d’une telle insuffisance ». Qui plus est, une telle mesure s’avérait clairement en contravention avec le principe de proportionnalité puisqu’elle excédait ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs de protection humaine, animale et végétale prévus à l’article 36 du traité FUE.
Compte tenu de ces éléments, la Cour conclut que les articles 34 et 36 du traité FUE s’opposent à une règlementation nationale qui exclut la délivrance d’une autorisation d’importation parallèle pour un produit phytopharmaceutique qui ne bénéficie pas, dans l’Etat membre d’exportation, d’une AMM délivrée sur le fondement de la directive 91/414, alors que ce produit bénéficie d’une autorisation d’importation parallèle et peut être considéré comme identique à un produit bénéficiant d’une AMM délivrée conformément à cette directive dans l’Etat membre d’importation.
Martial ZONGO, « Autorisations de mise sur le marché et importations parallèles de produits phytopharmaceutiques dans l’UE » , www.ceje.ch, Actualité du 11 novembre 2014