Dans son arrêt Commission c. Belgique du 19 décembre 2012 (affaire C-577/10), la Cour de justice de l’Union européenne a constaté une violation par la Belgique de l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) relatif à la libre prestation de services. La Cour a jugé contraire au droit de l’Union, la législation belge imposant une déclaration préalable aux prestataires de services indépendants légalement établis dans un Etat membre de l’Union européenne, souhaitant exercer une activité temporaire en Belgique.
Le régime de déclaration préalable a été introduit en Belgique dans le cadre du projet dit « Limosa », qui « vise à mettre en place un guichet électronique unique pour l’ensemble des démarches liées au travail en Belgique » (pt 4). La Belgique mettait en avant le caractère simple d’accès, gratuit et rapide du système « Limosa » qui, au terme d’une démarche de quelques « minutes » (pt 28) faite sur internet, permet « d’entrer immédiatement en possession d’un document officiel » (pt 28). La Cour de justice relève cependant que cette obligation de déclaration, même dans le cas de la procédure simplifiée, implique « de s’enregistrer en créant un compte », et de « communiquer aux autorités belges, préalablement à chaque prestation de services effectuée sur le territoire belge, un certain nombre d’informations » (pt 39). La Cour de justice se montre ainsi sensible à la charge administrative pour les entreprises, également relevée par l’avocat général dans ses conclusions du 19 juillet 2012. Soulignant en outre que le non-respect de ces formalités est passible de sanctions pénales (pts 39 et 41 de l’arrêt), la Cour considère que l’obligation de déclaration préalable est de nature à gêner la fourniture de services en Belgique par des prestataires de services indépendants établis dans un autre État membre, sans toutefois reprendre l’argumentation de l’avocat général en ce qui concerne le droit des destinataires de services.
Selon la Cour, une telle entrave n’est cependant pas discriminatoire. Suivant la logique de sa jurisprudence Finalarte, la Cour prend en considération la possibilité pour les autorités de l’État membre sur le territoire duquel une prestation de services est effectuée, de contrôler le respect du droit national et considère qu’il « existe des différences objectives entre les entreprises établies dans l’État membre sur le territoire duquel la prestation est effectuée et celles établies dans un autre État membre et envoyant des travailleurs sur le territoire de ce premier État membre afin d’y fournir un service » (pt 48). Constituant une entrave indistinctement applicable, le régime belge apparaît justifié par une raison impérieuse d’intérêt général. En effet la Cour de justice retient que l’objectif de lutte contre la fraude et de prévention des abus « peut se rattacher non seulement à l’objectif de protection de l’équilibre financier des régimes de sécurité sociale, mais également aux objectifs de prévention de la concurrence déloyale et du dumping social ainsi que de protection des travailleurs, y compris des prestataires de services indépendants » (pt 45).
Bien qu’elle considère qu’il n’existait pas, lors de la mise en place du régime belge, de mécanismes européens qui permettait « au Royaume de Belgique de disposer des mêmes informations que celles qu’il considère comme nécessaires pour atteindre les objectifs d’intérêt général qu’il invoque » (pt 51), la Cour de justice juge l’obligation de déclaration disproportionnée par rapport à l’objectif qu’elle poursuit. La Belgique n’ayant pas justifié dans quelle mesure la communication d’informations « de nature très détaillée » (pt 55) est nécessaire pour atteindre l’objectif d’intérêt général, la Cour conclut que l’obligation de déclaration en cause est contraire à l’article 56 TFUE.
Ainsi, et alors que se posait pour la première fois devant la Cour de justice, le problème de la compatibilité avec l’article 56 TFUE de législations nationales relatives aux prestataires de services « en tant que travailleurs indépendants » (pt 25 des conclusions), la condamnation du régime belge de déclaration préalable retient l’attention dans le cadre de la lutte contre les « faux indépendants ». Elle sera probablement suivie de près par le Danemark, partie intervenante à l’affaire qui possède une législation semblable. Enfin, elle alimentera le débat sur la conformité à l’accord Suisse-UE sur la libre circulation des personnes, du régime suisse qui impose également une procédure d’annonce aux prestataires de services transfrontaliers.