Afin de donner un nouvel élan à la politique commune des transports de l’Union européenne et la mettre en adéquation avec les nouveaux besoins tant des opérateurs de transports que des citoyens européens mais également avec les nouvelles contraintes tant environnementales qu’économiques auxquelles doit faire face l’Europe, la Commission européenne a élaboré, dix ans après son livre blanc du 12 septembre 2001 relatif à « une politique européenne des transports à l'horizon 2010 : l'heure des choix » (COM(2001) 370), une nouvelle feuille de route pour un espace européen unique des transports. Ce nouveau livre blanc (COM(2011)144) du 28 mars 2011 examine d’un point de vue mondial l’évolution du secteur des transports, les défis qu’il devra relever et les initiatives à envisager.
L’objectif proposé par la Commission européenne est l’élaboration d’un système de transport compétitif et économe en ressources. Si la prospérité future de l’Union européenne dépendra de la capacité de chaque région à rester intégrée dans l’économie mondiale, pleinement et de manière compétitive, « l’existence transports efficaces est cruciale pour y parvenir ».
Aussi est-il nécessaire d’achever le marché intérieur des transports afin de contribuer efficacement à la libre circulation des marchandises et des personnes, de réduire la dépendance au pétrole de ce secteur et donc de développer de nouvelles technologies et infrastructures, tout en répondant à l’objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre.
L’enjeu est de rendre le système européen des transports durable et moteur de croissance économique.
Afin d’atteindre cet objectif, le livre blanc décline un ensemble d’initiatives et de mesures clés permettant de répondre à cet enjeu. Ces mesures sont déclinées selon quatre thématiques.
Le premier lot d’initiatives vise à élaborer au niveau européen un système de mobilité efficace et intégré, présenté sous la forme de trois volets de mesures.
Dans son premier volet, ce système suppose que l’Union européenne se dote d’un véritable espace unique des transports ; celui-ci serait idéalement composé d’un marché intérieur concurrentiel des services ferroviaires, d’un ciel unique européen intégré renforcé par les capacités et un haut niveau de qualité des aéroports, d’une « ceinture bleue » c'est-à-dire d’un espace maritime européen sans frontières, d’un marché intérieur fonctionnel et optimisé de la navigation intérieure, d’un marché ouvert des transports routiers de marchandises, d’un cadre adéquat permettant le suivi du transport des marchandises en temps réel notamment par la création d’un guichet administratif unique diffusant un document de transport unique électronique.
Dans son deuxième volet, ce système suppose que l’Union européenne encourage dans le domaine des transports la création d’emplois de qualité ainsi que de bonnes conditions de travail. Pour cela, la Commission propose l’élaboration d’un code social pour les travailleurs mobiles des transports routiers, la mise en œuvre des mesures prévues dans l’Agenda social maritime, l’application aux personnels naviguant des directives européennes concernant le droit du travail, la responsabilisation au plan social du secteur de l’aviation, l’évaluation des méthodes de dialogue social dans les différentes branches du secteur des transports pour garantir la participation des salariés aux comités d’entreprise et une analyse de la qualité du travail dans tous les modes de transports, au regard notamment de la formation dispensée, des conditions de travail, du développement des compétences et autres.
Enfin, dans le troisième volet du système, la Commission européenne souhaite renforcer la sûreté des transports, que ce soit par des mesures prises en matière de fret, que pour les passagers ou le transport terrestre. La Commission propose également de créer un certificat de « sûreté de bout en bout » pour accroître le niveau de sûreté tout au long de la chaine d’approvisionnement sans pour autant gêner le libre cours des échanges. Elle propose aussi diverses mesures pour d’une part « sauver des milliers de vies » et d’autre part accroître la qualité et la fiabilité des services liés au transport. Elle invite à atteindre une sécurité totale sur les routes, à mettre en place une véritable stratégie européenne pour la sécurité de l’aviation civile mais aussi pour sécuriser le transport maritime et ferroviaire. Elle souhaite l’élaboration d’un droit européen uniforme sur les droits des passagers, rendre possible les déplacements multimodaux continus de porte à porte et la création de plans de mobilité garantissant la continuité des services en cas de perturbations graves.
Le second lot d’initiatives vise à innover pour l’avenir dans les transports.
Pour cela, il est nécessaire de mettre en place une stratégie européenne de la recherche et d’innovation dans le domaine des transports ; stratégie notamment guidée par l’élaboration d’une feuille de route technologique et la définition d’un cadre réglementaire adéquat pour les transports innovants.
Par ailleurs, la Commission explique que l’innovation doit également être appuyée par la promotion d’un comportement plus durable. A ce titre, elle propose de sensibiliser à l’existence d’alternatives au transport individuel conventionnel, de réexaminer la directive étiquetage pour la rendre plus efficace, de favoriser l’adoption de pneus économes en carburants. De même, les entreprises de transport devront pouvoir calculer l’empreinte carbone des voyageurs afin de leur permettre d’optimiser leur choix de moyen de transport. Et, la Commission propose également une révision de la directive du permis de conduire, de limiter la vitesse maximale des véhicules afin de réduire la consommation d’énergie et d’inclure, de façon générale dans les législations concernées, des exigences de conduite économique.
Enfin, la Commission souhaite que s’établissent des plans de mobilité urbaine afin de favoriser une mobilité intégrée notamment dans les villes européennes. Pour cela, elle propose un encadrement des péages urbains au niveau de l’Union européenne et la définition d’une stratégie pour une logistique urbaine à taux d’émission zéro.
Le troisième lot d’initiatives est consacré aux infrastructures modernes et au financement intelligent. Selon la Commission, les infrastructures de transport doivent être pensées comme un moteur de cohésion territoriale et de croissance économique. Ainsi est-il nécessaire d’élaborer un réseau de base constitué d’infrastructures stratégiques européennes pour créer un réseau de mobilité européen. Il s’agit donc de revoir l’action de l’Europe et ses orientations concernant le réseau RTE-T. La Commission souhaite également mettre en place des corridors de fret multimodaux et veiller à ce que chaque projet d’infrastructure des transports financés subisse les critères d’évaluation ex-ante pour que le financement de tels projets crée bien une valeur ajoutée à la mobilité européenne. Ce lot d’initiatives consacré aux infrastructures de transport inclut aussi l’élaboration d’un nouveau cadre de financement et l’engagement du secteur privé. En parallèle, il sera également important de rétablir des prix justes et donc d’améliorer la tarification et la fiscalit
Le quatrième volet d’initiatives vise, lui, la dimension extérieure de la politique commune des transports. L’idée est de favoriser non seulement le développement des transports au sein du marché intérieur mais également au delà des frontières européennes.
Ce nouveau libre blanc, nouvelle étape dans la modernisation de la politique commune des transports, donnera lieu dans la décennie à venir à un ensemble de nouvelles propositions législatives élaborées par la Commission européenne.
Reproduction autorisée avec l’indication: Desrutins Jennie, "Pour un espace unique des transports", www.ceje.ch, actualité du 06/04/2011.