Le phénomène d’intégration économique n’est pas l’apanage du seul continent européen. Après l’Europe qui l’a connu dès les années 1950, c’est au tour du continent africain de connaître cette forme particulière d’organisation interétatique présentée, sinon comme une panacée, du moins comme une voie appropriée pour faire face à la poussée de la mondialisation dans un contexte marqué par une tendance à l’ouverture des marchés économiques. Créée le 10 janvier 1994 par le traité de Dakar (Sénégal), entré en vigueur le 1er août de la même année, l’Union économique et monétaire ouest-africaine (ci-après UEMOA) réunit huit Etats de l’Afrique de l’Ouest : Bénin, Burkina-Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal et Togo.
L’UEMOA a étendu au domaine économique, l’intégration monétaire qui existait déjà depuis 1962 entre ces pays ayant en commun le franc CFA. Contrairement au vieux continent où l’intégration a été conçue comme un moyen d’exorciser la guerre qui l’avait profondément marqué, c’est plutôt la crise économique des années 1990 et le spectre de la dévaluation du franc CFA, qui a conduit les pays africains à coordonner leurs politiques économiques au sein d’une organisation de type supranational. Fortement inspiré des traités sur l’Union européenne, le traité de Dakar se fixe entre autres objectifs, à son article 4, la création d’une union douanière et d’un marché commun basé sur une politique commerciale commune ainsi que sur la libre circulation des personnes, des marchandises, des services et des capitaux. Le traité prévoit la mise en œuvre d’autres politiques communes en matière de transports et de télécommunications, d’environnement, d’agriculture, d’énergie, d’industrie et de mines. L’article 3 dudit traité affirme quant à lui, que l’UEMOA respecte dans son action les droits fondamentaux énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 et la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples de 1981. En vue d’atteindre ses objectifs, l’organisation s’est dotée d’organes constitués de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement, organe suprême de l’UEMOA, d’un conseil des ministres, d’une commission, d’une cour des comptes ainsi que d’une cour de justice chargée de veiller « au respect du droit quant à l’interprétation et l’application du traité de l’Union » conformément à l’article 1, du protocole additionnel n°1, relatif aux organes de contrôle de l’UEMOA. Vingt ans après sa création, le bilan de l’UEMOA reste mitigé.
S’il faut lui reconnaître certains succès dans l’établissement du marché commun et des politiques sectorielles communes telles que la politique agricole commune, force est de constater l’existence de nombreux facteurs entravant l’effectivité des libertés fondamentales et d’une véritable union de droit au sens du droit de l’Union européenne. Cette situation appelle plus d’efforts des Etats membres et des organes de l’UEMOA, dans l’application effective du droit au profit des individus. Elle constitue un défi pour ces Etats mais bien plus, pour la Cour de justice de l’UEMOA, principale garante du respect du droit au sein de l’organisation. D’où la nécessité pour cette dernière, d’assurer convenablement son rôle en devenant un acteur décisif de l’intégration économique ouest-africaine comme l’a été la Cour de justice de l’UE dans l’intégration européenne.
Martial ZONGO, "L'Union économique et monétaire ouest-africaine: vingt ans après sa création", www.ceje.ch, Actualité du 7 octobre 2014