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Le dialogue entre la Conseil constitutionnel français et la Cour de justice est établi

Ljupcho Grozdanovski , 11 juin 2013

L’importance de l’arrêt, rendu par la Cour de justice le 30 mai 2013 (C-168/13 PPU), est double. Il s’agit, d’abord, de la première demande de décision préjudicielle formulée par le Conseil constitutionnel français qui, ne s’estimant pas une juridiction au sens de l’article 267 du traité FUE, s’était, jusqu’à cet arrêt, abstenu de faire recours au mécanisme prévu audit article. Il s’agit, ensuite, d’un arrêt qui apporte des précisions sur l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, lorsqu’une extension de l’objet des poursuites d’une personne recherchée intervient après que la remise de celle-ci ait eu lieu.

En 2012, les autorités britanniques ont émis un mandat d’arrêt européen à l’encontre de M. F, ressortissant britannique, poursuivi pour enlèvement d’une fille mineure, infraction passible d’une peine de prison de sept ans selon le droit anglais. Ce dernier a été arrêté en France et a consenti à sa remise, qui a été effectuée en vertu d’une décision prise par les juridictions françaises. Après l’audition de la fille enlevée, les autorités britanniques ont demandé le consentement des juges français d’étendre l’objet de la poursuite initiale à des faits consistant en une activité sexuelle avec une enfant mineure, infraction passible d’une peine de prison de quatorze ans selon le droit anglais. Le consentement demandé a été accordé. M. F. s’est alors pourvu en cassation, faisant valoir que la décision judiciaire autorisant l’extension de l’objet de la demande initiale après que sa remise ait eu lieu, est contraire au principe d’égalité devant le juge ainsi qu’au recours juridictionnel effectif. La Cour de cassation française a saisi le Conseil constitutionnel d’une question prioritaire de constitutionnalité relative aux violations alléguées par M. F. Le juge constitutionnel a décidé de surseoir à statuer et a saisi la Cour de justice d’une demande de décision préjudicielle en interprétation, sur la question de savoir si la décision-cadre 2002/584, relative au mandat d’arrêt européen, s’oppose à une législation d’un Etat membre qui prévoit un recours suspensif de l’exécution de la décision de l’autorité judiciaire de l’Etat membre de réception, prise dans un délai de trente jours après la réception d’une demande de l’Etat membre d’émission et relative à la poursuite ou la condamnation d’une personne pour une infraction commise avant que sa remise ait été effectuée.

Il est intéressant de souligner, au sujet de la recevabilité des questions préjudicielles, que la Cour de justice n’a pas examiné la nature de juridiction du Conseil constitutionnel français au sens de l’article 267 du traité FUE, mais a mis l’accent sur le contenu de la réponse à la question posée.

La Cour de justice a d’abord observé que la décision-cadre ne prévoit pas la possibilité pour les Etats membres de l’Union européenne de prévoir des recours suspensifs de décisions d’exécution d’un mandat d’arrêt européen, mais qu’elle ne s’oppose expressément pas à ce qu’ils prévoient de tels recours, à condition que la coopération judiciaire, mise en place par la décision-cadre, ne soit pas entravée, et que soit garanti le plein respect des droits et principes fondamentaux, consacrés à l’article 6 du traité UE. Dès lors que le mandat d’arrêt européen repose sur le principe de reconnaissance mutuelle, lui-même fondé sur la confiance réciproque que les ordres juridiques des Etats membres de l’Union garantissent une protection équivalente et effective des droits reconnus dans la Charte des droits fondamentaux, toute personne poursuivie doit être en mesure de contester la légalité de la procédure pénale dont elle a fait l’objet au titre d’un mandat d’arrêt européen. Les modalités concrètes de ces voies de recours relèvent de l’autonomie institutionnelle et procédurale des Etats membres de l’Union européenne, conformément à l’article 34 du traité UE.

Cependant, la Cour de justice a rappelé que l’article 17 de la décision-cadre prévoit des délais de dix ou soixante jours pour la prise d’une décision définitive relative à l’exécution du mandat d’arrêt européen, selon que la personne recherchée ait consenti ou non à sa remise. Lorsqu’un mandat d’arrêt européen ne peut pas être exécuté dans ces délais, le paragraphe 4 dudit article prévoit une prolongation de trente jours supplémentaires, à condition que l’autorité judiciaire d’exécution communique à l’autorité d’émission les raisons du retard. Par conséquent, au sens de l’article 17 de la décision-cadre, la décision par laquelle une autorité judiciaire de l’Etat membre de réception donne son consentement d’étendre l’objet des poursuites relevant d’un mandat d’arrêt européen, doit être prise au plus tard trente jours après la réception de la demande des autorités de l’Etat membre d’émission.


Reproduction autorisée avec l’indication: Ljupcho Grozdanovski, "Le dialogue entre le Conseil constitutionnel français et la Cour de justice est établi", www.ceje.ch, actualité du 11 juin 2013