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Droit de séjour et préservation du statut de travailleur après la cessation d’une activité salariée

Ljupcho Grozdanovski , 15 octobre 2015

Bien que le statut de citoyen de l’Union européenne soit le statut fondamental des ressortissants des Etats membres de l’Union (arrêt Grzelczyk, aff. C-184/99), le droit de séjour de ces derniers sur le territoire d’un Etat membre d’accueil n’est pas inconditionné. Conformément à l’article 7 de la directive 2004/38, les ressortissants des Etats membres doivent disposer de ressources financières suffisantes, afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques dudit Etat membre. Dans l’arrêt Dano (aff. C- 333/13), la Cour de justice de l’Union avait jugé, en substance, qu’un citoyen de l’Union économiquement inactif ne peut pas faire valoir le droit de séjour sur le territoire d’un Etat membre, lorsque sa subsistance est exclusivement assurée au moyen de prestations sociales octroyées par les autorités de cet Etat. L’arrêt Alimanovic, du 15 septembre 2015 (Grande chambre, aff. C-67/14), constitue une suite à l’arrêt Dano, car la Cour de justice a apporté des précisions quant à la période pendant laquelle un citoyen de l’Union peut faire valoir le droit de séjour dans un Etat membre d’accueil, lorsqu’il cesse d’exercer une activité salariée sur le territoire de ce dernier.

Madame Alimanovic et ses enfants, de nationalités suédoises, se sont installés en Allemagne. Après avoir occupé plusieurs emplois de courte durée, Madame Alimanovic et sa fille ont bénéficié de prestations octroyées, en vertu du droit allemand, aux chercheurs d’emploi. La législation allemande prévoyait l’octroi de telles prestations à des ressortissants des Etats membres de l’Union européenne, aussi longtemps qu’ils pouvaient être qualifiés de travailleurs au sens du droit de l’Union. En effet, en vertu de l’arrêt Antonissen (aff. C-292/89) ainsi que de l’article 7, paragraphe 3, c), de la directive 2004/38, un chercheur d’emploi peut être considéré comme un travailleur au sens de l’article 45 du traité FUE pendant une durée de six mois après la cessation de son activité salariée. Au cours de ce délai, il peut percevoir des allocations chômage destinées à faciliter la réintégration dans le marché de l’Etat membre d’accueil. Toutefois, la législation allemande dans l’affaire au principal ne prévoyait pas une limite temporelle au bénéfice des allocations chômage pour les chercheurs d’emploi de nationalité allemande. Compte tenu de la différence de traitement introduite par ladite législation entre les ressortissants allemands et ceux des autres Etats membres de l’Union européenne, la juridiction de renvoi a posé trois questions préjudicielles à la Cour de justice portant, en substance, sur la violation du principe de non-discrimination tel qu’inscrit dans le règlement n° 883/2004, la directive 2004/38 et l’article 45, paragraphe 2, du traité FUE.

Dans ses réponses aux questions préjudicielles, la Cour de justice a procédé en deux temps. Elle a qualifié, d’abord, les prestations en cause au regard du droit de l’Union européenne. La question sur ce point était celle de savoir s’il s’agissait, dans l’affaire au principal, de prestations d’assistance sociale ou d’allocations chômage. Au sens de la directive 2004/38 ainsi que de la jurisprudence de la Cour de justice, les premières sont octroyées à des individus qui ne disposent pas de ressources suffisantes pour faire face à des besoins élémentaires. Les secondes, en revanche, sont destinées à faciliter l’accès à l’emploi d’un citoyen de l’Union sur le territoire de l’Etat membre d’accueil. Dès lors que dans l’affaire au principal, ‘la fonction prépondérante’ des prestations a été de garantir le minimum des moyens d’existence des requérants (pt 45), la Cour a jugé qu’il s’agit de prestations d’assistance sociale.

En ce qui concerne, ensuite, la violation du principe de non-discrimination, la Cour de justice a rappelé qu’au sens de l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2004/38, il faut déterminer si la durée du chômage involontaire d’un citoyen de l’Union est celle prescrite dans ledit article, à savoir six mois après la cessation de son activité salariée dans un Etat membre d’accueil. Dans l’affaire au principal, la durée du chômage de Madame Alimanovic et de sa fille a été supérieure au délai prescrit. La conséquence en a été que les requérantes ont perdu leurs statuts de ‘chercheuses d’emploi’ et ne pouvaient donc plus faire valoir un droit de séjour sur le territoire allemand, conformément à l’arrêt Dano au sens duquel, un citoyen de l’Union perd son droit de séjour sur le territoire d’un Etat membre d’accueil, lorsque sa subsistance dépend exclusivement de l’assistance sociale octroyée par les autorités dudit Etat. Dès lors que, dans l’affaire au principal, la législation allemande a permis aux intéressées de connaître, sans ambiguïté, leurs droits et obligations s’agissant des conditions matérielles et temporelles devant être satisfaites afin de pouvoir bénéficier d’une allocation chômage, elle a été jugée conforme au principe de non-discrimination, au sens du droit de l’Union européenne.


Ljupcho Grozdanowski, "Droit de séjour et préservation du statut de travailleur après la cessation d’une activité salariée", actualité du 15 octobre 2015, http://www.ceje.ch/.