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Incompatibilité avec la liberté d’établissement des restrictions à l’ouverture de pharmacies en Autriche

Araceli Turmo , 19 février 2014

Dans son arrêt du 13 février 2014 dans l’affaire Sokoll-Seebacher (C-367/12), la Cour a à nouveau du évaluer la compatibilité avec les libertés de circulation d’une législation nationale visant à réguler la répartition géographique de certains commerces. En l’espèce, la demanderesse souhaite ouvrir une pharmacie dans le Land de Haute-Autriche, mais s’est vue refuser l’autorisation nécessaire par le préfet, au motif qu’il n’existait aucun besoin de créer une nouvelle officine dans la commune concernée selon les critères établis dans la loi nationale. Elle conteste cette décision en s’appuyant sur l’article 49 TFUE, ainsi que sur les articles 16 et 47 de la Charte.

La première question posée à la Cour de justice était celle de la recevabilité du renvoi préjudiciel. En effet, le litige en cause au principal oppose une ressortissante autrichienne aux autorités de son État d’origine, aucun élément d’extranéité ne paraît donc justifier l’application des dispositions relatives aux libertés de circulation. La Cour constate le caractère purement interne de l’affaire en cours, mais admet la recevabilité dans la mesure où la réglementation visée pourrait également produire des effets en cas d’exercice d’une liberté de circulation, et où elle n’exclut pas qu’une réponse soit utile dans le cas où le droit national octroierait les mêmes droits que le droit de l’Union européenne équivalent.

Ecartant la question qui portait sur l’article 47 de la Charte au vu des réponses aux autres questions de la juridiction de renvoi, la Cour de justice exclut également l’applicabilité de l’article 16 de la Charte, garantissant la liberté d’entreprise. La portée de cette disposition est en effet à apprécier au regard, notamment, du droit de l’Union : la Cour n’applique donc que l’article 49 TFUE. Il s’agit donc de déterminer si la réglementation nationale, régulant l’établissement des pharmacies sur la base de critères géographiques visant à assurer l’accès de la population aux prestations sanitaires, est compatible avec la liberté garantie par cette disposition.

La Cour de justice rappelle sa jurisprudence constante, selon laquelle un régime d’autorisation préalable pour l’installation de pharmacies est justifiable, s’il est fondé sur la nécessité d’assurer un accès uniforme aux prestations sanitaires sur tout le territoire de l’État membre. Cette jurisprudence ne concerne que les régimes non discriminatoires, fondés sur des critères objectifs et connus à l’avance, de manière à éviter un comportement discrétionnaire de la part des autorités nationales. En l’espèce, les critères prévus par la législation autrichienne paraissent remplir ces critères : sont pris en compte le nombre de prestataires dans la zone concernée, la distance entre chaque officine et le nombre de personnes à approvisionner.

En revanche, selon la Cour, ces dispositions ne paraissent pas de nature à réaliser l’objectif annoncé de manière suffisamment cohérente et systématique. En effet, la loi nationale prévoit l’application de critères uniformes relatifs au nombre de personnes à approvisionner par chaque pharmacie, sans tenir compte, semble-t-il, de la densité de la population dans chaque zone. Si tel était le cas, les populations résidant dans des zones rurales pourraient se voir privées d’un accès suffisant au service pharmaceutique. Par l’application du critère de cohérence désormais habituel dans la jurisprudence concernant ce type d’entrave, la Cour laisse donc peu de marge de manœuvre à la juridiction de renvoi, dans l’hypothèse où cette dernière devrait apprécier la compatibilité de cet aspect de la législation nationale avec la liberté d’établissement.


Araceli Turmo, "Incompatibilité avec la liberté d’établissement des restrictions à l’ouverture de pharmacies en Autriche", www.unige.ch/ceje, Actualité du 19 février 2014.