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Les conditions d’accueil exigées dans le cadre du système d’asile européen

Clémentine Mazille , 3 octobre 2012

Dans son arrêt CIMADE et GISTI du 27 septembre 2012 (C‑179/11), la Cour de justice de l’Union européenne précise les contours du régime d’asile européen, en interprétant la directive 2003/9 relative à des normes minimales pour l'accueil des demandeurs d'asile en combinaison avec le règlement n° 343/2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande d’asile, dit « règlement Dublin II ».

Le litige principal devant le Conseil d’Etat porte sur l’allocation temporaire d’attente (ATA), revenu de subsistance versé sous conditions aux demandeurs d’asile pendant la durée de la procédure d’instruction de leur demande. Sont néanmoins exclues du bénéfice de l’ATA, en vertu de la circulaire attaquée, les personnes dont la France estime que la demande d’asile relève de la compétence d’un autre État européen en application des dispositions du règlement n° 343/2003 dit ‘Dublin II’. Cette exclusion soulève le problème des conditions matérielles d’accueil de ces demandeurs d’asile pendant la durée de la procédure de prise en charge par cet autre État membre, question qui a suscité des observations écrites de la Commission européenne, de cinq Etats membres et d’un Etat tiers associé, la Suisse qui en a la faculté en vertu de l’accord d’association.

La Cour considère d’abord que la directive garantit des conditions matérielles minimales d’accueil dès l’introduction de la demande d’asile dans l’Etat d’accueil, peu importe que les individus aient déposé la demande dans l’Etat responsable de leur traitement en vertu du règlement n°343/2003. Elle rejette ainsi l’argumentation – au demeurant isolée – de la France, compte tenu de l’approche globale des articles 2 et 3 de la directive qui ne prévoient qu’une catégorie de demandeurs, du règlement n°343/2003 qui « implique nécessairement qu’une demande d’asile est introduite avant que le processus de détermination de l’État membre responsable ne soit engagé » (pt.41), mais aussi au regard des droits fondamentaux. Si elle ne rappelle pas que le préambule du règlement n°343/2003 se réfère à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la Cour relève que la directive « vise en particulier à garantir le plein respect de la dignité humaine et à favoriser l’application des articles 1er et 18 de la Charte » (cons.5 de la directive), relatifs respectivement au droit à la dignité et droit d’asile. L’exclusion des conditions minimales d’accueil prévues par la directive aux demandeurs concernés par la procédure du règlement ne peut pas être justifiée par le caractère temporaire de cette procédure de détermination de l’Etat responsable dès lors que celle-ci s’étend sur plusieurs mois et comprend le temps de l’examen par l’Etat requis de la requête de prise en charge, le temps nécessaire à la mise en œuvre du transfert mais aussi une durée plus longue lorsque l’Etat requis refuse la prise en charge, contraignant ainsi le demandeur d’asile à rester dans l’État membre où il a déposé sa demande d’asile (pts.44-45). Enfin, la directive 2003/9 ne s’appliquant qu’aux demandeurs d’asile autorisés à demeurer sur le territoire de l’État membre concerné en qualité de demandeurs d’asile, la France contestait le droit des demandeurs d’asile qui relèvent du système Dublin de rester dans l’Etat membre, en se référant à la directive 2005/85 relative à des normes minimales concernant la procédure d’octroi et de retrait du statut de réfugié. La Cour rejette également cet argument et conclut qu’un État membre « est tenu d’octroyer les conditions minimales d’accueil des demandeurs d’asile établies par la directive 2003/09 même à un demandeur d’asile pour lequel il décide, en application du règlement no 343/2003, de requérir un autre État membre aux fins de prendre en charge ou de reprendre en charge ce demandeur » (pt.50).

Les modalités des conditions d’accueil afférentes à l’Etat d’accueil font l’objet de la seconde question. D’un point de vue temporel, l’Etat d’accueil est tenu d’accorder les garanties minimales prévues par la directive dès le dépôt de la demande, et jusqu’au transfert effectif du demandeur. En considérant que les décisions liées à la prise en charge de la demande d’asile en vertu du règlement Dublin II ne libèrent pas l’Etat d’accueil de l’obligation d’accorder des conditions minimales d’accueil (pt 52-55), la Cour assure la continuité du régime de protection instauré par la directive, qui incombe à l’Etat dès le dépôt de la demande jusqu’au transfert vers l’Etat responsable de son traitement chargé ensuite d’accorder les garanties jusqu’à ce qu’il soit statué définitivement sur la demande. Quant à la charge financière des conditions d’accueil, elle est répartie suivant l’Etat sur lequel pèse l’obligation d’accorder ces garanties[1]. Parce que cette solution logique n’en est pas moins potentiellement inéquitable pour les Etats différemment concernés par le nombre de demandes d’asile, la Cour de justice rappelle l’existence d’un mécanisme d’assistance financière aux Etats membres, le Fonds européen pour les réfugiés (pt 60).

 


[1] Les observations des Etats insistaient sur les risques de complications dans un « régime où les frais devraient incomber à l’État requis serait ingérable en pratique et pourrait conduire à des contentieux onéreux et inutiles » (conclusions de l’avocat général Eleanor Sharpston, pt.82).


Reproduction autorisée avec l’indication: Clémentine Mazille, "Les conditions d'accueil exigées dans le cadre du système d'asile européen", www.ceje.ch, actualité du 3 octobre 2012