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L’accès à l’enseignement et le lien suffisant d’intégration dans un Etat membre d’accueil

Ljupcho Grozdanovski , 20 juin 2012

Le 14 juin 2012, la Cour de justice a rendu l’arrêt Commission européenne c. Royaume des Pays-Bas (aff. C-542/09), relatif à une restriction à l’accès à l’enseignement des travailleurs migrants et des membres de leurs familles.

En 2007, la Commission européenne a été saisie d’une plainte concernant une loi néerlandaise qui prévoit que, pour bénéficier d’un mode de financement des études supérieures appelé « financement portable », un étudiant doit avoir résidé pendant au moins trois ans aux Pays-Bas au cours des six années précédant son inscription dans un établissement universitaire néerlandais (règle « 3 ans sur 6 »). Compte tenu du fait que les Pays-Bas n’ont substantiellement pas changé leur position au cours de la phase précontentieuse, la Commission européenne a saisi la Cour de justice d’un recours en manquement, alléguant une discrimination indirecte, contraire à l’article 45 du traité FUE et l’article 7 du règlement n° 1612/68. Le Royaume des Pays-Bas fait valoir que la loi en cause ne constitue pas une discrimination indirecte en raison du fait que la situation des travailleurs ayant résidé et travaillé aux Pays-Bas depuis plus de trois ans n’est pas comparable à celle des travailleurs qui y résident et travaillent depuis moins de trois ans. Il soutient en outre que la règle « 3 ans sur 6» vise à permettre aux enfants des travailleurs migrants d’établir un lien durable avec la société de l’Etat membre d’accueil. Enfin, les Pays-Bas estiment que ladite loi est nécessaire et proportionnée, car elle est fondée sur un critère objectif et ne contient aucun élément discriminatoire comme la connaissance de la langue néerlandaise ou l’instauration de limites géographiques, et elle est apte à promouvoir la mobilité des étudiants, tout en préservant l’équilibre budgétaire du système néerlandais du financement portable.

La Cour de justice conclut que, dès lors que la loi néerlandaise introduit une inégalité de traitement entre, d’une part, les travailleurs néerlandais et d’autre part, les travailleurs migrants, résidents ou frontaliers, elle constitue une discrimination indirecte. En ce qui concerne la justification de la mesure, la Cour considère que les motifs d’ordre budgétaire ne sauraient justifier une discrimination au détriment des travailleurs migrants (pt 57). A l’argument, avancé par le gouvernement néerlandais, selon lequel dans les arrêts Bidar (aff. C-209/03) et Förster (aff. C-158/07) la Cour de justice avait admis la restriction à la libre circulation des personnes par une condition de résidence, la Cour répond que dans ces arrêts, elle s’est prononcée sur des conditions de résidence en vue de l’octroi de bourses d’études aux citoyens de l’Union n’ayant pas la qualité de travailleurs. Elle poursuit qu’une condition de résidence peut être admise en tant qu’élément destiné à démontrer un certain degré d’intégration des citoyens économiquement inactifs avec leur Etat membre d’accueil. Toutefois, cette condition, telle que prévue par la loi néerlandaise, serait inappropriée pour démontrer un niveau d’intégration des travailleurs migrants et frontaliers (pt 63). Pour ces derniers, elle considère que le fait d’avoir accédé au marché de travail d’un Etat membre crée déjà  le lien d’intégration suffisant avec celui-ci (pt 65), notamment en raison des contributions fiscales du travailleur migrant, qui lui sont exigées dans les mêmes conditions que des travailleurs nationaux (pt 66). Dès lors, l’argument présenté par le Royaume des Pays-Bas que la mesure en cause tend à sauvegarder l’équilibre budgétaire du financement portable ne saurait constituer une justification légitime.

A titre subsidiaire, le gouvernement néerlandais fait valoir que le système du financement portable a pour but d’inciter les étudiants à poursuivre leurs études en dehors des Pays-Bas. La Cour a admis cette justification comme légitime, mais elle n’a pas considéré que la mesure en cause est apte à promouvoir les études en dehors des Pays-Bas, à défaut d’une preuve suffisante de la part du défendeur que la règle « 3 ans sur 6 » est l’élément le plus représentatif du degré réel de rattachement entre l’intéressé et l’Etat membre d’accueil.

Par conséquent, la loi néerlandaise qui prévoit la règle « 3 ans sur 6 » est jugée contraire à l’article 45 du traité FUE et à l’article 7 du règlement n° 1612/68.


Reproduction autorisée avec l’indication: Grozdanovski Ljupcho, "L'accès à l'enseignement et le lien suffisant d'intégration dans un Etat membre d'accueil", www.ceje.ch, actualité du 20 juin 2012.