C’est un veto que le Parlement wallon, l’une des assemblées législatives belges à l’échelon régional, oppose au CETA depuis le 17 octobre 2016. Pour des raisons constitutionnelles et institutionnelles, ce refus paralyse la signature par le gouvernement belge de cet accord et, partant, met en péril le sommet UE-Canada qui doit formaliser la signature et l’application provisoire de l’accord le 27 octobre prochain. A contrario, la Cour constitutionnelle allemande a donné son feu vert, conditionnel, au gouvernement allemand pour la signature de l’accord.
Le CETA est l’accord économique et commercial global entre l’Union européenne et le Canada. Il a pour objectif d’établir de nouvelles perspectives commerciales et d’investissement pour les acteurs économiques de part et d’autre de l’Atlantique. En d’autres termes, il vise la libéralisation des échanges commerciaux et des investissements. L’accord envisagé traite, entre autres, des domaines tels que le commerce de marchandises et les tarifs douaniers, les obstacles techniques au commerce, la facilitation des échanges mais également les services et les investissements.
En ce qui concerne l’Union européenne, l’article 218 du traité FUE indique les différentes étapes en matière de négociation et de conclusion des accords internationaux. Il convient de noter qu’au début du processus, le Conseil joue un rôle clé, en autorisant l’ouverture des négociations, en adoptant les directives de négociations et en désignant le négociateur. La main passe ensuite au négociateur, à savoir la Commission européenne pour le CETA. Une fois les négociations terminées, l’examen juridique du texte du CETA a été effectué et clos au début de l’année 2016. Début juillet 2016, la Commission européenne a proposé la signature et la conclusion d’un accord qui revêt, selon elle, la qualité d’ « accord mixte ». Cela signifie, d’un point de vue procédural, que l’entrée en vigueur de l’accord est conditionnée à la ratification par les institutions de l’Union, mais également la ratification par les Etats membres, selon leurs procédures constitutionnelles respectives. Actuellement, ce n’est pas l’étape de la ratification par les Etats membres qui pose problème, mais bien une phase en amont, à savoir la signature de l’accord et son application provisoire.
Qu’en est-il à présent des particularitésdes Etats membres en la matière ? Quelle est, in fine, la situation de l’Etat fédéral belge à ce stade du processus ? Le ministre des Affaires étrangères belge doit obtenir les pleins pouvoirs en vue de signer un accord international, tel que le CETA. Pour cela, il doit y avoir unanimité entre le niveau fédéral, et celui des entités fédérées, composées des Régions et Communautés. En l’espèce, c’est l’approbation du Parlement régional wallon qui fait défaut. Les reproches formulés par le Parlement wallon concernent notamment le règlement des litiges par des instances privées et la protection des agriculteurs européens tels qu’envisagés dans l’accord.
La Belgique n’est pas le seul Etat membre à avoir traité de la signature du CETA. En effet, la Cour constitutionnelle allemande a été amenée à se prononcer la semaine dernière sur l’émission éventuelle d’une ordonnance provisoire ou d’une injonction qui interdirait la signature de l’accord par le gouvernement allemand. La réponse négative apportée par la juridiction allemande était toutefois nuancée. Elle exige en effet que le gouvernement allemand soit assuré de pouvoir mettre fin à l’accord unilatéralement, mais aussi que les parties de l’accord appliquées à titre provisoire soient celles qui relèvent incontestablement de la compétence de l’Union européenne, et non des Etats membres. A ces conditions, le gouvernement allemand est autorisé à signer l’accord sans enfreindre les droits des requérants, à savoir le groupe parlementaire Die Linke, et les droits de participation du Bundestag allemand.
Au niveau belgo-belge, différents scénarios sont possibles. Dans un premier cas, le Parlement wallon cède et donne son accord. Dans une deuxième hypothèse, il peut maintenir son veto, qui serait respecté par le gouvernement belge, ce qui engendrerait un report de la signature. Enfin, un troisième scénario peut être imaginé, bien qu’il soit peu réaliste. Il s’agirait, pour le gouvernement belge, de passer outre le refus du Parlement wallon. Toutefois, la signature, dans ces circonstances, s’avèrerait constitutionnellement illégale et engendrerait d’éventuelles actions en justice au niveau national. Il convient toutefois de noter que si la situation wallonne et, partant, belge, se débloque, le succès n’est toutefois pas garanti. Le stade de la ratification de l’accord qui implique tant le Parlement européen que les parlements nationaux peut, lui aussi, apporter son lot d’incertitude et de contestations.
En définitive, l’opposition wallonne met en lumière l’implication des éventuelles assemblées législatives des entités fédérées des Etats membres. L’actualité démontre que les particularités internes des Etats membres peuvent avoir un impact sur la scène internationale et sur l’action de l’Union. Dans cette perspective, il est également légitime de s’interroger sur la pertinence d’une telle opposition et sur l’opportunité politique qu’elle constitue. La position du Parlement wallon est-elle juridiquement pertinente et fondée par rapport à la politique commerciale que l’Union européenne souhaite développer avec son partenaire canadien, ou s’agit-il plutôt d’un conflit politique interne entre le Nord et le Sud de la Belgique, entre la droite et la gauche ?
Margaux Biermé, « Le CETA et la Wallonie : le parlement ne cède pas », Actualité du 24 octobre 2016, disponible sur www.ceje.ch.