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La légalité du règlement n° 1367/2006 ne peut pas être appréciée au regard de la convention d’Aarhus

Lucie Vétillard , 21 janvier 2015

Dans les affaires jointes C-404/12 P et C-405/12P du 13 janvier 2015, la Cour de justice de l’Union européenne prononce l’annulation de l’arrêt du Tribunal du 14 juin 2012 Stichting Natuur en Milieu et Pesticide Action Network Europe contre Commission (aff. T-338/08)qui concluait que l’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006concernant l’application aux institutions et organes de l’Union européenne des dispositions de la convention d’Aarhus était contraire à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement. Pour la Cour de justice, l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus n’est pas directement invocable devant le juge de l’Union européenne par les particuliers.

Le litige devant le Tribunal opposait deux fondations néerlandaises ayant pour objet la protection de l’environnement à la Commission européenne. Par deux décisions, cette dernière avait refusé le réexamen, demandé par les fondations, du règlement n° 149/2008, fixant les limites maximales de pesticides dans des denrées alimentaires d’origines animales et végétales. L’article 10, paragraphe 1, du règlement n° 1367/2006 ouvre en effet droit aux organisations non-gouvernementales à demander un réexamen lorsqu’un acte administratif est susceptible de contrevenir au droit de l’environnement. Or, la Commission européenne considérait que le règlement n° 149/2008 n’était pas une mesure de portée individuelle et ne pouvait donc être assimilé à un acte administratif au sens du règlement n° 1367/2006. Le Tribunal a annulé ces deux décisions au motif que la limitation de la procédure de réexamen aux actes administratifs était contraire à l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus qui impose l’ouverture de recours administratifs ou judiciaires pour contester « les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des droits nationaux de l’environnement ».

La question juridique, au centre de cet arrêt, consistait à déterminer si l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus pouvait être reconnu comme ayant un effet direct ou si, en l’absence d’effet direct, les exceptions reconnues par la Cour de justice dans ses arrêts Fediol (aff. C-70/87) et Nakajima (aff. C-69/89) étaient applicables en l’espèce.

Dans un premier temps, sur la question de l’effet direct d’un article d’un accord international, la Cour de justice rappelle qu’il est nécessaire d’examiner si la nature et l’économie de l’accord international ne s’oppose pas à un effet direct et si les dispositions, du point de vue de leurs contenus, sont inconditionnelles et suffisamment précises. Comme le Tribunal, elle conclut que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ne contient aucune obligation inconditionnelle et suffisamment précise. Au contraire, il appelle l’adoption d’actes ultérieurs des autorités nationales en ce qu’il stipule « chaque partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires (…)». L’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus ne dispose donc pas d’effet direct.

Dans un second temps, la Cour de justice revient sur le raisonnement du Tribunal relatif aux deux arrêts précités. Pour le Tribunal, les deux exceptions reconnues par la Cour de justice ont pour conséquence d’imposer au juge de l’Union européenne un contrôle de la légalité des actes de l’Union européenne au regard d’un accord international lorsque ces actes mettent en œuvre une obligation imposée par cet accord international aux institutions de l’Union européenne. Au contraire, la Cour de justice souligne que les deux exceptions se justifient uniquement par les particularités des accords ayant donné lieu à leur application. D’une part, l’arrêt Fediol vise la situation dans laquelle l’acte de l’Union européenne renvoie expressément aux dispositions de l’accord international en cause et confère de ce fait le droit pour les particuliers de se prévaloir de ces dispositions. En l’espèce, bien que le règlement n° 1367/2006 concerne l’application de la convention d’Aarhus aux institutions de l’Union européenne, l’article 10, paragraphe 1, ne renvoie pas expressément aux dispositions de la convention d’Aarhus et ne confère aucun droit aux particuliers. D’autre part, l’arrêt Nakajima vise la situation dans laquelle l’acte de l’Union européenne met en œuvre des obligations particulières assumées par l’Union européenne dans l’accord international. A cet égard, la Cour de justice conclut que l’article 10, paragraphe 1, du règlement ne peut constituer une mise en œuvre d’obligations particulières de l’Union dans la mesure où l’article 9, paragraphe 3, reconnaît une marge d’appréciation quant à la définition des modalités d’application des ‘procédures administratives ou judiciaires’. Elle souligne, d’ailleurs, que la mise en œuvre des procédures administratives et judiciaires relève du droit interne des Etats membres en vertu du principe d’autonomie institutionnelle et procédurale.

Considérant que le litige est en état d’être jugé, la Cour de justice, annule l’arrêt du Tribunal et statue définitivement sur le litige. Elle conclut que l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus n’a pas d’effet direct et ne peut donc être invoqué par les fondations requérantes pour contrôler la légalité du règlement n° 1367/2006. L’interprétation stricte de sa propre jurisprudence ne permet pas à la Cour de justice de se prononcer sur le fond, c’est-à-dire sur la question de savoir si la notion d’acte administratif dans le cadre de la procédure de réexamen de l’article 10 du règlement n° 1367/2006 est conforme ou non à la convention d’Aarhus, laquelle impose l’ouverture de recours administratifs ou judiciaires pour contester «les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement».


Lucie Vétillard, "La légalité du règlement n° 1367/2006 ne peut pas être appréciée au regard de la convention d’Aarhus", www.ceje.ch, actualité du 21 janvier 2015

Catégorie: Action extérieure