Le Conseil de l’Europe a adopté en 1961 une Convention visant la protection des artistes interprètes ou exécutants, des producteurs de phonogrammes et des organismes de radiodiffusion. Le but a été de régler les obstacles que peuvent apparaître lorsqu’un organisme de radiodiffusion transmet ses programmes de radio ou de télévision par satellite. L’Union européenne n’est pas partie à ladite Convention.
En vue d’accroître la protection des droits voisins des organismes de radiodiffusion, l’adoption d’une nouvelle convention a été proposée par le Conseil de l’Europe. Au sein de l’Union européenne, l’ouverture des négociations pour une future convention pour la protection des droits voisins des organismes de radiodiffusion a été autorisée par une décision du Conseil de l’Union européenne. Ladite décision prévoit une participation mixte de la Commission et des Etats membres, selon leurs compétences respectives, aux négociations. Cette décision fait l’objet d’un recours en annulation (Commission c. Conseil, aff. C-114/12), intentée par la Commission européenne, laquelle invoque notamment une violation de la compétence externe exclusive de l’Union pour la négociation d’une telle convention sur le fondement des articles 2, paragraphe 2 et 3, paragraphe 2, TFUE.
La Commission européenne considère que l’Union dispose d’une compétence externe exclusive étant donné que les engagements internationaux, en l’espèce relèvent, à tout le moins en grande partie, du domaine d’application de règles communes que l’Union a instituées. En outre, ces négociations risquent d’affecter les règles communes de l’Union dans ledit domaine, y compris lorsqu’elles portent sur des éléments pour lesquels il est envisagé d’aller au-delà de l’acquis de l’Union. Le Conseil de l’Union européenne considère d’une part, que la compétence dans le domaine des droits voisins des organismes de radiodiffusion est partagée, et d’autre part, que même si une partie importante, de l’accord international envisagé relève d’un domaine couvert par des règles communes de l’Union ne suffit pas pour conclure au caractère exclusif de la compétence de l’Union.
Avant de revenir sur le principe qui découle de l’arrêt AETR et la jurisprudence y relative, la Cour de justice souligne que le moyen invoqué relatif à la violation de l’article 3, paragraphe 2, TFUE est fondé. Précisément, l’article 2, paragraphe 2, TFUE ainsi que le protocole n°25 sur l’exercice des compétences partagées ne sont pas pertinents en l’espèce, puisqu’ils ne concernent pas l’article 3 TFUE. La Cour rappelle ensuite que l’existence d’une compétence externe exclusive trouve son fondement dans le risque que l’accord international envisagé, puisse affecter les règles communes de l’Union, ou d’en altérer la portée. Elle rappelle en outre qu’une concordance complète entre le domaine couvert par l’engagement international et celui couvert par la réglementation de l’Union n’est pas nécessaire.
S’agissant de la convention en matière de protection des droits voisins des organismes de radiodiffusion, la Cour vérifie enfin si le contenu de la convention en cause est couvert par des règles communes de l’Union. Il résulte des directives 93/83, 2001/29, 2004/48, 2006/115 et 2006/116, que les droits voisins des organismes de radiodiffusion font l’objet, en droit de l’Union européenne, d’un cadre juridique harmonisé qui vise, notamment, à assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. Selon la Cour, ce cadre juridique de l’Union intègre un certain nombre d’évolutions liées aux défis technologiques, au nouvel environnement numérique et au développement de la société de l’information. Les règles de l’Union contiennent donc un régime homogène de protection élevée en faveur des organismes de radiodiffusion en relation avec leurs émissions. Ainsi le domaine de la convention envisagée est couvert par les règles de l’Union.
Sur la base de ce qui procède, la Cour approfondit son analyse de certains éléments de la convention envisagée plus en détail, lesquels étaient à l’origine du désaccord entre la Commission et le Conseil. D’abord, en lien avec le droit de rediffusion, la Cour examine l’article 8, paragraphe 3, de la directive 2006/115 qui attribue une portée matérielle précise au droit de rediffusion dans le droit de l’Union, en la circonscrivant à la rediffusion par le moyen des ondes radioélectriques. Elle conclut que quant à cet élément une compétence externe exclusive est requise étant donné que la portée des règles de l’Union pourrait être altérée, puisque les négociations du Conseil de l’Europe viseraient à étendre ce droit à la rediffusion par fil ou par internet. Ensuite, la protection des signaux prédiffusés n’est pas encore couverte par le droit de l’Union. L’éventualité que les négociations pourraient envisager une telle protection n’entre pas en ligne de compte pour la Cour lorsqu’elle détermine la nature exclusive ou partagée de la compétence. Finalement, en lien avec le respect des droits voisins des organismes de radiodiffusion, les directive 2001/29 et 2004/48 de l’Union, prévoient des sanctions et de voies de recours, mais le contenu de la convention n’étant pas encore certain à ce propos, la Cour de justice ne prend pas cet élément en considération.
La Cour conclut que le contenu des négociations en vue d’une convention du Conseil de l’Europe relative à la protection des droits voisins des organismes de radiodiffusion, relèvent de la compétence exclusive de l’Union. La décision attaquée a donc été adoptée en violation de l’article 3, paragraphe 2, TFUE et doit être annulée.
Stefanie Schacherer « Compétence externe exclusive de l’Union pour négocier la convention sur la protection des droits des organismes de radiodiffusion», www.ceje.ch, Actualité du 9 septembre 2014