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OTIF, positions communes et coopération loyale : devoirs d’un État membre

Elisabet Ruiz Cairó , 8 avril 2019

En s’écartant de la position commune adoptée en vue de la 25e session de la commission de révision de l’Organisation intergouvernementale pour les transports internationaux ferroviaires (OTIF) en 2014, l’Allemagne a manqué à ses obligations résultant des articles 218, paragraphe 9, TFUE et 4, paragraphe 3, TUE. Telle est la conclusion de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans son arrêt rendu le 27 mars 2019 dans l’affaire C-620/16 Commission c. Allemagne. Il s’agit d’un nouveau revers pour l’Allemagne suite à l’arrêt de grande chambre C-600/14 Allemagne c. Conseil, dans lequel la Cour avait rejeté le recours en annulation introduit par l’État membre à l’encontre de la décision établissant la position commune.

Le conflit entre l’Allemagne et les institutions européennes lors de la 25e session de la commission de révision de l’OTIF a fait l’objet de deux procédures juridictionnelles parallèles. D’une part, l’Allemagne avait introduit un recours en annulation à l’encontre de la décision 2014/699 établissant la position à adopter dans l’instance internationale, lequel a été rejeté en 2017. D’autre part, la Commission européenne a engagé une procédure en manquement en vertu de l’article 258, paragraphe 1, TFUE, invoquant qu’en s’écartant de la position commune adoptée au sein du Conseil, l’Allemagne avait manqué à ses obligations en vertu des articles 218, paragraphe 9, TFUE et 4, paragraphe 3, TUE.

Dans cette dernière affaire, l’Allemagne met en avant plusieurs arguments pour contester la position de la Commission européenne. L’État membre considère, tout d’abord, le recours irrecevable. Il indique qu’une procédure en manquement est incompatible avec l’infraction d’une position commune puisque, au moment où la procédure est enclenchée, le comportement a déjà épuisé ses effets et il est impossible d’y remédier. La Cour de justice ne va cependant pas suivre cette ligne d’argumentation. Admettre un tel raisonnement ‘porterait atteinte à la réalisation de l’objectif inhérent à une décision adoptée sur le fondement de l’article 218, paragraphe 9, TFUE’ (point 48) et irait à l’encontre de l’article 288 TFUE qui établit que les décisions sont obligatoires (point 50).

L’Allemagne défend ensuite une interprétation littérale de la décision établissant une position commune au sein de l’OTIF. En utilisant les termes « positions coordonnées recommandées » et en attribuant le droit de vote aux États membres, la décision attribuerait la possibilité à l’Allemagne de s’en écarter. La Cour va également rejeter cet argument, insistant sur le caractère obligatoire de la décision de manière générale et sur le caractère impératif des termes utilisés dans cette décision en particulier.

La Cour de justice examine ensuite à l’argumentation de l’Allemagne selon laquelle la décision serait illégale. Les actes des institutions européennes jouissent cependant d’une présomption de légalité (point 85). L’introduction d’un recours en annulation ne fait pas obstacle à une telle présomption et un État membre ne peut pas prendre unilatéralement des mesures correctives pour remédier à une méconnaissance alléguée du droit de l’Union (point 88). En tout état de cause, la Cour de justice fait une distinction entre le recours en manquement et le recours en annulation. Ces voies de recours « poursuivent des objectifs distincts » et un État membre ne peut pas invoquer l’illégalité d’une décision comme moyen de défense contre un recours en manquement (point 89).

La Cour de justice analyse enfin la violation de l’article 4, paragraphe 3, TUE invoquée par la Commission européenne. En matière d’action extérieure de l’Union européenne, l’obligation de coopération loyale « découle de l’exigence d’une unité de représentation internationale de l’Union » (point 93). Le respect d’une décision établissant une position commune en vertu de l’article 218, paragraphe 9, TFUE étant une expression particulière de l’exigence d’unité de représentation internationale, ledit respect est également une exigence du principe de coopération loyale (point 94). Le comportement de l’Allemagne lors de la 25e session de l’OTIF risquait d’affaiblir le pouvoir de négociation de l’Union dans cette instance internationale et a porté préjudice à l’efficacité de l’action internationale de l’Union, à sa crédibilité et à sa réputation sur la scène internationale (points 95-98).

La Cour de justice conclut que l’Allemagne a manqué à ses obligations en vertu des articles 218, paragraphe 9, TFUE et 4, paragraphe 3, TUE. Avec cet arrêt, la Cour confirme sa position quant aux événements de la 25e session de l’OTIF et met fin aux possibilités pour l’Allemagne de défendre son comportement. Si les principes établis dans cet arrêt ne sont pas nouveaux, il permet de réaffirmer le caractère obligatoire des décisions établissant des positions communes à prendre au nom de l’Union européenne dans les instances internationales et les devoirs que cela implique de la part des États membres.

Catégorie: Action extérieure