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Les PTOM ne sont pas des Etats tiers au sens de l’article 63 du traité FUE

Ljupcho Grozdanovski , 13 juin 2014

L’article 63 du traité FUE, relatif aux mouvements de capitaux et de paiements, présente la particularité d’interdire, à son paragraphe 1, les restrictions à la circulation des capitaux « entre les Etats membres et les pays tiers ». L’on sait que, depuis l’arrêt Sanz de Lerra (aff. jtes C-163/94, C-165/94 et C-250/94), la Cour de justice considère que le marché des capitaux dans l’Union étant désormais libéralisé, le régime général régissant le mouvement des capitaux s’applique indistinctement aux capitaux et paiements en provenance des Etats membres de l’Union et à ceux en provenance  d’Etats tiers. Dans l’arrêt X BV du 5 juin 2014 (aff. jtes C-24/12 et C-27/12), il s’agissait de savoir si les pays et territoires d’outre-mer (ci-après PTOM) pouvaient être qualifiés d’Etats tiers au sens de l’article 63 du traité FUE, malgré l’existence du régime spécial les concernant dans la quatrième partie du traité FUE (art. 198 ss).

En vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales dans les Antilles néerlandaises, les autorités ont mis en place un régime d’imposition des dividendes versés par des filiales établies aux Pays-Bas et leurs sociétés-mères établies dans les Antilles néerlandaises. En vertu de ce régime, les dividendes versés par les filiales sont imposées à la source à un taux entre 5 et 7,5 %, alors que les sociétés-mères sont imposées à un taux entre 2,4 et 5,5%. Ces dernières ont toutefois la possibilité de bénéficier d’une déduction individuelle accordée par l’administration fiscale, pour certains bénéfices perçus dans le cadre des versements de dividendes.

Dans l’affaire au principal, deux filiales établies aux Pays-Bas ont versé des dividendes à leurs sociétés-mères établies dans les Antilles néerlandaises. Ayant été assujetties à une imposition à la source, ces entreprises ont présenté des demandes de réclamation des sommes payées. Les demandes ont été rejetées par les juges de fond et d’appel. Les sociétés ont alors formé un pourvoi en cassation, en faisant valoir une violation de la libre circulation des capitaux. La Cour de cassation néerlandaise a observé qu’au sens de l’arrêt Prunus et Polonium (aff. C‑384/09), à défaut d’une disposition spécifique dans les traités régissant les mouvements de capitaux entre l’Union européenne et les PTOM, ces derniers peuvent être considérés comme des Etats tiers au sens de l’article 63 du traité FUE et se voir appliquer le régime général de la libre circulation des capitaux. Ladite juridiction s’est toutefois interrogée sur la pertinence de l’arrêt Prunus et Polonium dans l’affaire au principal, qui portait sur un mouvement de capitaux entre un Etat membre et son propre PTOM conduisant à penser, comme soutenu par le gouvernement néerlandais, qu’il s’agissait d’une situation purement interne. La Cour de cassation a alors posé deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne relatives, premièrement, à la qualification des Antilles néerlandaises d’Etats tiers aux fins de l’application de l’article 63 du traité FUE et deuxièmement, à la compatibilité du système néerlando-antillais avec ledit article.

Dans sa réponse à la première question préjudicielle, la Cour de justice a d’abord précisé que les PTOM font l’objet d’un régime spécial d’association, défini dans la quatrième partie du traité FUE. S’agissant d’une lex specialis, ce régime implique que les PTOM ne sauraient, en principe, se voir appliquer les régimes généraux du droit de l’Union européenne. Le Conseil a d’ailleurs adopté une ‘décision PTOM’ sur le fondement de l’article 171 du traité FUE, dans laquelle sont indiquées les restrictions interdites aux mouvements de capitaux entre l’Union et les PTOM qui comprennent, entre autres, les versements de dividendes. Cependant, compte tenu du fait que la réglementation néerlandaise dans l’affaire au principal a été adoptée afin de prévenir les flux excessifs de capitaux vers les Antilles néerlandaises en vue de lutter contre l’attrait des PTOM en tant que paradis fiscaux, la Cour a considéré qu’une telle réglementation relève de la clause d’exception fiscale de la décision PTOM du Conseil. Elle a ainsi jugé que le droit de l’Union européenne ne s’oppose pas à une mesure nationale, comme celle dans l’affaire au principal, qui restreint le mouvement des capitaux en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales, à condition de satisfaire aux exigences de nécessité et de proportionnalité.

Compte tenu de la réponse à la première question préjudicielle, la Cour de justice a considéré qu’il n’y a pas lieu de répondre à la seconde question préjudicielle portant sur l’existence d’une entrave au mouvement des capitaux au sens de l’article 63 du traité FUE.


Ljupcho Grozdanovski, "Les PTOM ne sont pas des Etats tiers au sens de l’article 63 du traité FUE", www.ceje.ch, Actualité du 13 juin 2014