L’avocat général Hogan a rendu ses conclusions dans la demande d’avis présentée par le Parlement européen à la Cour de justice de l’Union européenne en juillet 2019 concernant l’adhésion de l’Union à la convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (la convention d’Istanbul, ci-après).
Par sa première question, le Parlement européen demande, d’une part, quels sont les articles du TFUE qui devraient constituer le fondement juridique approprié de l’acte du Conseil qui autorisera la conclusion de la convention d’Istanbul au nom de l’UE. D’autre part, le Parlement demande s’il est nécessaire ou possible de scinder les décisions relatives à la signature et la conclusion de la convention d’Istanbul en deux décisions séparées. Par sa deuxième question, le Parlement demande si la conclusion, par l’UE, de la convention d’Istanbul est conforme aux traités de l’UE en l’absence d’un commun accord de tous les États membres à être liés par cette convention.
L’avocat général examine, en premier lieu, la recevabilité des questions posées par le Parlement. Il propose à la Cour de déclarer toutes les questions recevables, à l’exception de la seconde partie de la première question dans la mesure où celle-ci porte sur la décision de signer la convention d’Istanbul. Il signale que les décisions de signature de la convention d’Istanbul adoptées par le Conseil sont devenues définitives et que, par conséquent, le Parlement ne peut pas se prévaloir de la procédure d’avis pour demander de manière détournée leur annulation.
L’avocat général analyse, en deuxième lieu, le fond des questions posées par le Parlement. Afin de répondre à la première partie de la première question, il se réfère à la jurisprudence de la Cour selon laquelle lorsqu’un acte poursuit plusieurs finalités ou qu’il a plusieurs composantes, cet acte doit être fondé sur une base juridique unique et, exceptionnellement, sur plusieurs bases juridiques, à savoir celles que requièrent les finalités ou les composantes prépondérantes de cet acte (avis 1/15 de la Cour, du 26 juillet 2017, EU:C:2017:592, points 76 et suivants). S’agissant de la conclusion d’un accord international, tel que la convention d’Istanbul, ce sont les finalités et le contenu précis de la décision du Conseil qui autorise la conclusion de l’accord et non celles de l’accord international qui sont décisifs pour déterminer les bases juridiques appropriées. L’avocat général considère que la décision relative à la conclusion de la convention d’Istanbul est susceptible de concerner un grand nombre de compétences exclusives et partagées de l’Union et que, par conséquent, de nombreuses bases juridiques peuvent être pertinentes. Il propose finalement que cette décision soit fondée sur l’article 78, paragraphe 2 (système européen commun d’asile), l’article 82, paragraphe 2 (reconnaissance mutuelle des jugements et des décisions judiciaires), l’article 84 (prévention du crime) et l’article 336 TFUE (statut des fonctionnaires de l’UE).
S’agissant de la question de savoir s’il est nécessaire ou possible de scinder la décision relative à la conclusion de la convention d’Istanbul en deux pour tenir compte des particularités de la participation du Danemark et de l’Irlande à l’adoption des actes relevant de la troisième partie, titre V, du TFUE (toutes les bases juridiques proposées par l’avocat général pour l’adoption de la décision autorisant la conclusion de la convention d’Istanbul appartient à la troisième partie, titre V, du TFUE, à l’exception de l’article 336 TFUE), l’avocat général considère qu’une telle scission ne serait pas de nature à invalider ces actes car toutes les bases juridiques concernées conduisent à l’application de la même procédure, à savoir la procédure législative ordinaire.
À l’égard de la troisième question, l’avocat général Hogan conclut que le Conseil n’est ni tenu d’attendre le commun accord des États membres ni obligé de conclure un accord international immédiatement après l’avoir signé. Il appartient au Conseil d’apprécier quelle est la solution la plus appropriée sur la base de facteurs tels que le risque de non-exécution injustifiée de l’accord mixte en question par un État membre ou la possibilité d’obtenir la majorité nécessaire en son sein pour exercer seul toutes les compétences partagées de l’Union. Le choix du Conseil semble particulièrement pertinent car certains États membres ont rencontré des difficultés pour conclure la convention d’Istanbul au niveau national. En effet, la Bulgarie, la République tchèque, la Hongrie, la République slovaque, la Lituanie et la Lettonie ne l’ont pas encore ratifiée. Par ailleurs, la Pologne a exprimé en juillet 2020 son intention de se retirer de la convention d’Istanbul.
Cette demande d’avis sera certainement une excellente opportunité de faire avancer la jurisprudence de la Cour concernant la pratique de conclusion des accords mixtes.
Maddalen Martin, Proposition de bases légales pour l’adhésion de l’UE à la convention d’Istanbul, actualité du CEJE n° 8/2021, disponible sur www.ceje.ch