Pour l’ambassadeur de l’Union européenne à Berne, M. Michael Matthiessen « Après trois années difficiles, 2017 a été une année très positive. Il n’y a pas de crise entre les deux parties, juste quelques malentendus. » C’est ainsi que s’est exprimé l’ambassadeur, lors de la deuxième édition des Entretiens de Verbier, le 6 janvier 2018, pour dresser le bilan des relations Suisse-UE.
Les liens bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne ont été continuellement développés depuis l’accord de libre-échange de 1972. Des négociations en vue d’un accord institutionnel ont été entamées en 2014 afin de garantir un accès plus large au marché intérieur de l’Union.
Si l’initiative populaire « Contre l’immigration de masse » du 9 février 2014, a pendant un temps terni les relations Suisse-UE, l’année 2017 a été marquée par un approfondissement de leurs relations.
Lors d’une première rencontre à Bruxelles, le 6 avril dernier, le président de la Commission européenne, M. Jean-Claude Juncker, et la présidente de la Confédération, Mme Doris Leuthard, se sont mis d’accord pour relancer les négociations et rouvrir les dossiers en suspens.
Puis, dans le cadre de la visite officielle de Jean-Claude Juncker à Berne, le 23 novembre 2017, les deux présidences ont tiré un bilan positif des progrès réalisés, et répété leur volonté de renforcer la voie bilatérale entre la Suisse et l’Union. À cette occasion, le président de la Commission a annoncé souhaiter conclure un « accord d’amitié » au printemps 2018.
Les négociations en cours ont abouti à des résultats concrets, avec notamment la mise à jour de l’accord sur les entraves techniques au commerce (ARM), et la signature à Berne, le 23 novembre 2017, de l’accord sur le couplage des systèmes d’échange de quotas d’émission de CO2 (Emissions Trading System, ETS).
Néanmoins, des divergences subsistent en lien avec l’accord institutionnel quant au rôle de la Cour de justice de l’Union européenne en cas de désaccord sur l’application des accords bilatéraux. Cette instance suscite la méfiance en Suisse, où l’UDC s’active pour faire reconnaitre la primauté du droit suisse sur le droit international (Initiative populaire « Le droit suisse au lieu de juges étrangers »).
La question des aides d’Etat constitue un autre point de désaccord. Celles-ci, proscrites au sein de l’Union européenne, sont pratiquées par la Suisse notamment dans le secteur de l’hydroélectricité.
Si pour l’ambassadeur Matthiessen l’année 2017 s’est révélée positive, M. Henri Gétaz, chef de la Direction des affaires européennes au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), a qualifié la situation actuelle « d’impasse bilatérale ».
Ce dernier a fait référence à deux décisions récentes de l’Union européenne. La première concernant l’inscription de la Suisse, le 5 décembre 2017, sur la liste « grise » des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales. La Suisse a jusqu’à fin 2018 pour honorer ses engagements de bonne conduite en matière fiscale.
La seconde décision, du 15 décembre 2017, par laquelle la Commission européenne a limité à un an le statut d’équivalence boursière de la Suisse, conditionnant son renouvellement aux progrès réalisés dans les négociations sur l'accord institutionnel. Cette reconnaissance de l’équivalence financière est pourtant essentielle pour que les places boursières suisses puissent avoir accès au marché européen et que les entreprises d’investissement de l’UE puissent négocier des actions en Suisse.
A la fin du mois de décembre 2017, les relations se sont alors tendues et la présidente de la Confédération, Mme Doris Leuthard, a annoncé que « La décision de l’UE grève les relations bilatérales sur des dossiers importants ». La décision de la Commission est en effet perçue par le Conseil fédéral comme unediscrimination à l’égard de la Suisse, alors que les bourses en Australie, à Hong Kong et aux Etats-Unis ont obtenu une reconnaissance illimitée.
L’Union européenne justifie ce traitement au regard de la situation particulière de la Suisse. Selon la Commission européenne, les décisions d'équivalence sont toujours fondées sur les circonstances propres au pays concerné et il n'existe pas de droit automatique à l'équivalence. La Suisse est différente à plusieurs égards des autres pays et territoires qui se sont vu reconnaître l'équivalence récemment. La portée de la décision concernant la Suisse est beaucoup plus large, étant donné que la négociation d'actions suisses dans l'UE, et inversement, est beaucoup plus répandue que pour les autres pays et territoires qui ont récemment obtenu une reconnaissance d'équivalence (États-Unis, Hong Kong et Australie).
En tout état de cause, le Conseil fédéral suisse se réunit, le 31 janvier 2018, afin de discuter de l’ensemble du dossier européen et de déterminer sa position en matière de politique européenne.
Jeanne Clément, "Relations Suisse-UE : vues et perspectives différentes du côté suisse et du côté européen", Actualité du 30 janvier 2018, disponible sur www.ceje.ch