Dans l’arrêt de grande chambre rendu, le 20 février 2018, dans l’affaire C-16/16 P Belgique c. Commission, la Cour de justice de l’Union européenne a rejeté le pourvoi introduit contre l’ordonnance du Tribunal tout en clarifiant la notion d’acte attaquable dans le cadre d’un recours en annulation.
La Belgique avait demandé, en vertu de l’article 263 TFUE, l’annulation de la recommandation 2014/478/UE de la Commission européenne sur la protection des consommateurs et des joueurs dans le cadre des services de jeux de hasard en ligne. Le Tribunal avait estimé que le recours était irrecevable parce que la recommandation litigieuse ne produisait pas d’effets obligatoires et ne pouvait donc pas être qualifiée d’acte attaquable.
Au titre de l’article 263, premier alinéa, TFUE, la Cour contrôle la légalité « des actes du Conseil, de la Commission et de la Banque centrale européenne, autres que les recommandations et les avis, et des actes du Parlement européen et du Conseil européen destinés à produire des effets juridiques à l’égard des tiers ». Si les recommandations sont, en principe, exclues du contrôle exercé dans le cadre d’un recours en annulation, la Cour considère toutefois que, « à titre exceptionnel, l’impossibilité de former un recours en annulation contre une recommandation ne vaut pas si l’acte attaqué, par son contenu, ne constitue pas une véritable recommandation » (point 29).
Il faut donc analyser le contenu de la recommandation ainsi que le contexte de son adoption pour vérifier si l’on se trouve dans une telle exception. Cet examen ayant déjà été effectué par le Tribunal, la Cour vérifie uniquement si une erreur a été commise. Concernant le contenu de la recommandation, le Tribunal avait considéré qu’elle avait été rédigée en des termes non impératifs et que son contenu révèle qu’elle n’était pas destinée à produire des effets juridiques contraignants. La recommandation ne comporte, par ailleurs, aucune obligation envers les États membres d’appliquer les principes qui y sont énoncés. Pour ce qui est du contexte, le Tribunal avait rappelé que les institutions avaient établi, en 2012, qu’il n’était pas opportun de proposer une législation harmonisée dans le secteur des jeux de hasard en ligne.
Cette analyse permet à la Cour de justice de conclure que le Tribunal pouvait valablement conclure que la recommandation ne produisait pas d’effets juridiques et ne pouvait donc pas être qualifiée d’acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE (point 37).
La Belgique a tenté de soutenir que l’impossibilité d’introduire un recours en annulation pouvait être contraire à la jurisprudence établie dans l’arrêt Les Verts. A cet égard, la Cour de justice établit une distinction entre les deux affaires. Dans l’arrêt Les Verts, les traités ne contenaient pas de disposition relative à la possibilité d’introduire un recours en annulation contre un acte adopté par le Parlement européen alors que, dans l’arrêt Belgique c. Commission, l’article 263, premier alinéa, TFUE exclut expressément les recommandations du champ d’application du recours en annulation (point 43). Cette exclusion n’empêche pas pour autant que les recommandations peuvent faire l’objet d’un contrôle par la Cour de justice de l’Union européenne. L’article 267 TFUE permet à la Cour de statuer, à titre préjudiciel, sur la validité et l’interprétation des actes pris par les institutions de l’Union, « sans exception aucune » (point 44).
Cet arrêt apporte une nouvelle clarification de la notion d’acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE, une question qui semblait pourtant avoir déjà été largement analysée par la Cour. Si l’existence d’un système complet de voies de recours est fondamental dans une Union de droit, cela ne signifie pas que tout acte, même ceux expressément exclus par l’article 263 TFUE, puissent faire l’objet d’un recours en annulation.
Elisabet Ruiz Cairó, "Les recommandations ne peuvent pas faire l’objet d’un recours en annulation", Actualité du 22 février 2018, disponible sur www.ceje.ch