L’arrêt Uber France du 10 avril 2018 (aff. C‑320/16) constitue la suite de l’arrêt Uber Spain du 20 décembre 2017 (aff. C‑434/15) dans lequel, la Cour de justice a qualifié les services prestés au moyen de l’application ‘Uber’ de services de transport et non des services de la société d’information.
Uber France a été traduite devant les juridictions françaises pour violation du code français des transports, du fait d’avoir poursuivi des pratiques commerciales trompeuses, pour exercice illégal de la profession de taxi et pour organisation illégale d’un système de mise en relation de clients avec des chauffeurs non professionnels. Les juges français ont éprouvé des doutes sur le fait de savoir si la réglementation française concernée dans l’affaire au principal instituait une règle relative aux services de la société d’information ou une règle relative aux services de transports. Ils ont donc saisi la Cour de justice d’une demande de décision préjudicielle en interprétation.
En se référant à son arrêt Uber de 2017, la Cour de justice a, d’abord, considéré qu’un service d’intermédiation qui permet la transmission, au moyen d’une application en ligne, des informations relatives à la réservation d’un service de transport entre un chauffeur non professionnel et un client, répond, en principe, aux critères permettant de qualifier ce service de ‘service de la société d’information’, au sens de la directive 98/34. La Cour a, toutefois, souligné que le service d’intermédiation en cause dans l’affaire au principal ne se résumait pas à une simple mise en lien entre des chauffeurs non professionnels et des clients. En se référant à un certain nombre de critères, la Cour a considéré que le service d’intermédiation a été indissociablement lié à l’offre de services de transport urbain non collectif. Ces critères sont, d’abord, le fait que l’entreprise Uber opère au moyen d’une application sans laquelle les chauffeurs ne pourraient pas fournir des services de transport ; ensuite, le fait que ladite société exerce une influence décisive sur les conditions de la prestation de ces services, notamment en fixant le prix maximum de la course, en collectant ce prix auprès du client avant d’en reverser une partie au chauffeur et en exerçant un certain contrôle sur la qualité des véhicules et de leurs chauffeurs, ainsi que sur le comportement de ces derniers, pouvant entraîner, le cas échéant, leur exclusion.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la Cour de justice a conclu que le service d’intermédiation en cause dans l’affaire au principal devait être considéré comme faisant partie intégrante d’un service global qualifié de service de transport (pt 22). Par conséquent, la réglementation française en cause dans l’affaire au principal devait être comprise comme constituant une disposition dans le domaine du transport et non dans celui des services de la société d’information.
La jurisprudence Uber de la Cour de justice apporte des éléments de réponse à des questions soulevées dans l’agenda européen pour l’économie collaborative (COM(2016) 356 final). Dans ce texte, la Commission européenne a considéré que les services prestés au moyen des plateformes collaboratives sont, en principe, qualifiés de services de la société d’information. La Commission a, toutefois, souligné la possibilité que ces plateformes puissent aussi faciliter la prestation d’autres types de services dits sous-jacents. La prestation de tels services est décidée au cas par cas, compte tenu d’un ensemble d’éléments tels que le prix de la prestation, les conditions contractuelles caractérisant les liens entre les prestataires de services et les plateformes collaboratives et la propriété des principaux actifs. Les arrêts Uber de la Cour de justice apportent des éclaircissements sur ce point, dès lors qu’ils permettent de discerner des critères d’appréciation devant être retenus aux fins de la qualification des services prestés au moyens de plateformes collaboratives. Ces critères permettent, en substance, de déterminer qu’une plateforme n’agit pas en tant que simple intermédiaire entre des prestataires et des bénéficiaires de services, mais exerce une influence décisive, notamment, sur les modalités des prestations et la rémunération de celle-ci. L’on retrouvera, sans doute, ces critères d’appréciation dans l’affaire pendante Uber BV (aff. C-371/17) qui porte sur une question de qualification des services ‘Uber’, soulevée devant les juges allemands.
Ljupcho Grozdanovski, « Qualification des services prestés au moyen de l’application Uber dans l’arrêt Uber France »,actualité du 2 mai 2018, disponible sur www.ceje.ch