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Un requérant d’asile peut demeurer sur le territoire d’un Etat membre jusqu’à l’issue de son recours introduit contre le rejet de sa demande de protection internationale

David Trajilovic , 29 juin 2018

Le 19 juin 2018, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a affirmé, dans un arrêt de grande chambre (C-181/16), qu’un requérant d’asile débouté était en droit de demeurer sur le territoire d’un Etat membre pendant la procédure de recours, même si son séjour devait être qualifié d’irrégulier.

M. Gnandi, ressortissant togolais, avait introduit une demande de protection internationale auprès des autorités belges, laquelle avait été rejetée. Celles-ci ont ordonné à M. Gnandi de quitter le territoire. Ce dernier avait néanmoins introduit, sans succès, un recours auprès de la juridiction de recours en demandant l’annulation de la décision, et la suspension de l’exécution de l’ordre de quitter le territoire. M. Gnandi avait ensuite introduit un recours auprès du Conseil d’Etat belge, qui lui, avait cassé la décision de la juridiction de recours et avait renvoyé l’affaire auprès de cette dernière pour nouvelle décision.

Dans le cadre de la procédure devant le Conseil d’Etat, celui-ci avait toutefois décidé de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice : la directive 2008/115, lue conjointement avec la directive 2005/85, et à la lumière du principe de non-refoulement et du droit à un recours effectif, consacrés à l’article 18, à l’article 19, paragraphe 2, et à l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux, autorise-t-elle l’adoption d’une décision de retour à l’encontre d’un ressortissant d’un Etat tiers au titre de l‘article 6, paragraphe 1, de la directive 2008/115, dès le rejet de sa demande de protection internationale, et ce nonobstant le fait que le requérant soit en attente de l’issue de son recours juridictionnel contre ce rejet ?

A titre liminaire, la Cour a rappelé que, conformément à l’article 3, point 4, de la directive 2008/115, tout acte ou toute décision de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d’un ressortissant d’un Etat tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour constitue une décision de retour. En vertu de l’article 2, paragraphe 1, de cette même directive, les Etats membres prennent, en principe, une telle décision à l’encontre de tout ressortissant d’un Etat tiers en séjour irrégulier sur leur territoire (point 36).

Dès lors, la Cour a dû examiner en premier lieu si M. Gnandi se trouvait, à la suite du rejet de sa demande d’asile, en séjour irrégulier au sens de la directive 2008/115. Celle-ci a estimé que le libellé de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2005/85, ne laissait place à aucune ambiguïté, en ce sens que le droit de demeurer sur le territoire prenait fin dès l’adoption de la décision de premier ressort rejetant la demande de protection internationale par l’autorité responsable. Ainsi, dès l’adoption d’une telle décision en première instance, le demandeur ne remplit plus les conditions d’entrée, de séjour ou de résidence en vertu de la directive 2008/115, de telle sorte que son séjour doit être considéré comme irrégulier (point 41).

La Cour a également ajouté que le résultat était identique même si le droit interne d’un Etat membre prévoyait un effet suspensif à la décision de retour (art. 39, paragraphe 3, sous a), de la directive 2005/85). En l’espèce, M. Gnandi se trouvait donc en séjour irrégulier sur le territoire belge dès le refus de sa demande par la première juridiction saisie (point 42).

S’agissant du droit de demeurer sur le territoire de l’Etat membre durant la procédure de recours contre le rejet d’une demande d’asile, la Cour a souligné que les recours prévus à l’article 13 de la directive 2008/115 (décisions liées au retour), et ceux prévus à l’article 39 de la directive 2005/85 (décisions liées au rejet de demande de protection internationale) doivent être interprétés en conformité avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux, qui garantit le droit à un recours effectif devant un tribunal, ainsi que du principe de non-refoulement, conformément à l’article 18 et à l’article 19, paragraphe 2, de ladite Charte (point 52). Ces droits fondamentaux ressortent d’ailleurs des considérants 8 et 24 de la directive 2008/115, et des considérants 2 et 8 de la directive 2005/85 (points 51 et 53).

En conséquence, la Cour a affirmé que, conformément au respect des exigences découlant du droit à un recours effectif et du principe de non-refoulement, le ressortissant d’un Etat tiers, qui se trouve en séjour irrégulier dès le rejet de sa demande d’asile en premier ressort, doit pouvoir bénéficier d’un effet suspensif de plein droit lorsqu’une décision de retour, voire éventuellement d’éloignement, fait l’objet d’un recours (point 58). Autrement dit, le requérant d’asile bénéficie du droit de demeurer sur le territoire d’un Etat membre dans l’attente de l’issue de son recours contre le rejet de sa demande d’asile, et ce indépendamment d’un effet suspensif accordé ou non par le droit interne de l’Etat membre concerné (point 59).

David Trajilovic, « Un requérant d’asile peut demeurer sur le territoire d’un Etat membre jusqu’à l’issue de son recours introduit contre le rejet de sa demande de protection internationale », actualité du 29 juin 2018, disponible sur www.ceje.ch