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Clarifications sur l’obligation de notification préalable des licenciements collectifs sous la directive 98/59

Alicja Slowik , 26 novembre 2025

Dans l’arrêt Tomann (aff. C-134/24) rendu le 30 octobre 2025, la Cour de justice a apporté plusieurs précisions sur l’obligation de notification incombant aux employeurs dans le contexte de licenciements collectifs, laquelle est prévue dans la directive 98/59 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs.

La directive 98/59 établit le régime de protection des travailleurs en cas de licenciements collectifs. L’article 3 de la directive dispose que l’employeur est tenu de notifier par écrit tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente. La notification doit contenir tous renseignements utiles concernant le projet de licenciement collectif. Conformément à l’article 4 de la directive 98/59, les licenciements collectifs dont le projet a été notifié à l’autorité publique compétente prennent effet au plus tôt 30 jours après la notification prévue à l’article 3 de ladite directive.

En l’espèce, DF était employé par V GmbH depuis 1994. Le 1er décembre 2020, une procédure d’insolvabilité a été ouverte à l’encontre de cette société et UR en a été nommé administrateur judiciaire. Le 2 décembre 2020, UR a résilié le contrat de travail de DF avec effet au 31 mars 2021. Il a été établi qu’UR a licencié plus de 5 employés au cours d’une période de 30 jours calendaires.

DF a introduit un recours en protection contre son licenciement devant le tribunal du travail de Hambourg tendant, d’une part, à ce qu’il soit constaté que la relation de travail se poursuivait et, d’autre part, à ce que UR soit condamné à maintenir l’emploi de DF jusqu’à la clôture définitive de la procédure contre le licenciement. Au soutien de sa demande, DF faisait valoir que la résiliation de son contrat de travail était nulle, puisqu’UR n’avait pas procédé au préalable à la notification du licenciement collectif. En effet, UR n’a procédé à la notification du licenciement qu’après le 31 mars 2021.

Le tribunal du travail a accueilli le recours de DF. Son jugement a été ensuite confirmé par le tribunal supérieur du travail de Hambourg par un arrêt du 3 février 2022. UR a introduit un recours en Revision contre ledit arrêt devant la Cour fédérale du travail. Cette dernière juridiction avait plusieurs doutes quant à la sanction à imposer en cas d’absence de notification préalable d’un licenciement collectif. Dans ces circonstances, elle a décidé de surseoir à statuer et d’adresser à la Cour de justice une demande de décision préjudicielle portant sur l’interprétation de la directive 98/59. Premièrement, la Cour fédérale souhaitait obtenir des clarifications quant au moment auquel la résiliation d’un contrat de travail, intervenue dans le cadre d’un projet de licenciement collectif, peut prendre effet. Deuxièmement, la juridiction se demandait si un employeur qui a procédé à la résiliation d’un contrat de travail sans notifier à l’autorité publique compétente le projet de licenciement collectif, pouvait régulariser l’absence d’une telle notification de telle sorte que ladite résiliation prenne effet 30 jours après la régularisation.

La Cour de justice a observé que selon le libellé des articles 3 et 4 de la directive 98/59, la résiliation d’un contrat de travail intervenue dans le cadre d’un projet de licenciement collectif ne saurait prendre effet avant l’expiration du délai prévu à l’article 4 de ladite directive qui court à compter de la notification de ce projet. Par conséquent, en l’absence de cette notification, une résiliation d’un contrat ne peut pas produire ses effets. La Cour a ensuite relevé que l’obligation de notification permet à l’autorité publique compétente d’explorer les possibilités de limiter les conséquences négatives des licenciements envisagés. L’objectif poursuivi par l’article 4 de la directive consistant à permettre à cette autorité, de chercher, pendant le délai de 30 jours, des solutions aux problèmes posés par les licenciements collectifs, serait compromis si la résiliation d’un contrat de travail pouvait prendre effet en l’absence de la notification ou avant l’expiration dudit délai. La Cour a ainsi jugé que la résiliation d’un contrat de travail, intervenue dans le cadre d’un projet de licenciement collectif soumis à l’obligation de notification à l’autorité publique compétente ne pouvait prendre effet qu’à l’expiration du délai de 30 jours prévu à l’article 4 de la directive 98/59.

S’agissant de la question de la possibilité de régulariser l’absence d’une notification du projet de licenciement collectif, la Cour de justice a rappelé que la directive 98/59 imposait à tout employeur qui envisageait d’effectuer des licenciements collectifs le respect de deux obligations procédurales. D’une part, ledit employeur est tenu de procéder à des consultations avec les représentants des travailleurs en vue d’aboutir à un accord. D’autre part, la notification de tout projet de licenciement collectif à l’autorité publique compétente doit contenir un certain nombre d’informations comme les motifs de licenciement ou le nombre des travailleurs à licencier.  L’employeur concerné ne saurait procéder à des résiliations de contrats de travail en cas de licenciement collectif sans avoir respecté lesdites obligations procédurales. Pour la Cour, la séquence de ces obligations serait remise en cause si l’employeur pouvait effectuer la notification du projet de licenciement collectif après la résiliation des contrats de travail concernés en suspendant temporairement la prise d’effet de cette résiliation. En conclusion, un employeur qui a procédé à la résiliation d’un contrat de travail sans notifier à l’autorité publique compétente le projet de licenciement collectif ne saurait régulariser l’absence d’une telle notification de telle sorte que ladite résiliation prenne effet 30 jours après cette régularisation. 

Par l’arrêt Tomann, la Cour de justice précise les effets du manquement à l’obligation de notification préalable des licenciements collectifs qui vise, entre autres, à limiter les conséquences négatives desdits licenciements. En mettant en valeur l’importance des obligations procédurales incombant aux employeurs dans le cadre des licenciements collectifs, le jugement contribue au renforcement de la protection juridique des travailleurs concernés.

Reproduction autorisée avec la référence suivante : Alicja Słowik, Clarifications sur l’obligation de notification préalable des licenciements collectifs sous la directive 98/59, actualité n° 35/2025, publiée le 26 novembre 2025, par le Centre d’études juridiques européennes, disponible sur www.ceje.ch