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Indemnité financière au titre des congés annuels payés non pris en cas de démission volontaire

Mateusz Milek , 13 février 2024

Dans son arrêt du 18 janvier 2024, Comune di Copertino, aff. C-218/22, la Cour de justice de l’Union européenne a clarifié qu’un travailleur qui n’a pas pu prendre tous ses jours de congé annuel payé avant de démissionner a droit à une indemnité financière. Cependant, le droit de l’Union ne s’oppose pas à la perte de ce droit lorsqu’un travailleur s’est abstenu de prendre ses jours de congé délibérément, bien que l’employeur l’ait incité à le faire et l’ait informé du risque de les perdre au moment de la cessation de la relation de travail.

BU a occupé de février 1992 à octobre 2016 un poste d’instructeur exécutif auprès de la commune de Copertino en Italie. Il a démissionné pour prendre une retraite anticipée et a saisi le tribunal de Lecce en Italie d’une demande d’indemnité financière pour les 79 jours de congé annuel payé non pris pendant sa relation de travail. Devant cette juridiction, la commune de Copertino a contesté la demande de BU en invoquant la règle prévue dans la législation italienne, telle qu’interprétée par la Cour constitutionnelle italienne, qui interdit le versement d’une indemnité financière au travailleur dans le secteur public au cas où le travailleur aurait pu planifier la prise des congés en temps utile avant la fin de relation de travail. Cette règle avait pour objectif, d’une part, la maîtrise des dépenses publiques et, d’autre part, les besoins organisationnels de l’employeur public. Etant donné que BU a mis volontairement fin à sa relation de travail en prenant une retraite anticipée, ce qu’il aurait été en mesure de prévoir à l’avance, il serait privé du droit à l’indemnité financière, en vertu de la règle nationale en question. Dans ce contexte, la juridiction italienne a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un renvoi préjudiciel afin de savoir si l’article 7 de la directive 2003/88 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail et l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne s’opposent à la mesure nationale en question.

La Cour de justice a rappelé que le droit au congé annuel payé de chaque travailleur devait être considéré comme un principe du droit social de l’Union européenne, consacré à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux. Ce droit est concrétisé dans l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2003/88, en vertu duquel les États membres prennent les mesures nécessaires pour que tout travailleur bénéficie d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions d’obtention et d’octroi prévues par les législations et/ou les pratiques nationales. Cette disposition est complétée par l’article 7, paragraphe 2, de la directive 2003/88 prévoyant que la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de la relation de travail.

En se référant à l’arrêt du 6 novembre 2018, Max-Planck-Gesellschaft zur Förderung der Wissenschaften, la Cour de justice a précisé que conformément aux dispositions susmentionnées, un travailleur qui n’a pas été en mesure de prendre tous ses droits au congé annuel payé avant la fin de sa relation de travail, a droit à une indemnité financière pour congé annuel payé non pris. N’est pas pertinent, à cet égard, le motif pour lequel la relation de travail a pris fin. En revanche, lorsque le travailleur s’est abstenu de prendre ses congés annuels payés délibérément et en toute connaissance de cause quant aux conséquences appelées à en découler, après avoir été mis en mesure d’exercer effectivement son droit à ceux-ci, le droit de l’Union européenne ne s’oppose pas à l’absence corrélative d’une indemnité financière au titre des congés annuels payés non pris.

Toutefois, pour la Cour de justice, c’est à l’employeur qu’incombe l’obligation de veiller à ce que le travailleur soit effectivement en mesure de prendre ses congés annuels payés, en l’incitant à le faire et en l’informant du risque de perte de son droit à une indemnité financière en cas de cessation de la relation de travail. La charge de la preuve incombe également à l’employeur. Il appartiendra à la juridiction de renvoi de vérifier si, dans le cas d’espèce au principal, l’employeur s’est acquitté, en temps utile, de ses obligations d’incitation et d’information quant à la prise des congés annuels payés.

L’arrêt de la Cour de justice semble confirmer la volonté du législateur de l’Union européenne, exprimée dans la directive 2003/88, de favoriser une utilisation effective des congés annuels payés plutôt qu’un recours à l’indemnité financière des congés non pris. La politique sociale étant une compétence partagée entre l’Union européenne et ses Etats membres, ces derniers continuent à disposer d’une marge de manœuvre quant au choix des mesures d’encouragement des travailleurs à faire usage de leur temps de repos annuel. En l’occurrence, l’interdiction de monétisation des congés annuels payés non utilisés à la fin de la relation de travail apparaît, en principe, compatible avec le droit de l’Union européenne, à condition toutefois qu’il incombe à l’employeur de démontrer la diligence qu’il a eue pour inciter le travailleur à effectivement prendre les congés annuels payés.

 

Reproduction autorisée avec la référence suivante : Mateusz Miłek, Indemnité financière au titre des congés annuels payés non pris en cas de démission volontaire, actualité n° 5/2024, publié le 13 février 2024, par le Centre d’études juridiques européennes, disponible sur www.ceje.ch.