Le mardi 26 juin 2018, la Cour de justice de l’Union européenne, réunie en grande chambre, a rendu un arrêt qui marque un nouveau cap en matière de discrimination fondée sur le sexe. Il traite de questions relatives à la communauté LGBTIQ* et s’intègre dans la ligne jurisprudentielle développée notamment avec les arrêts Richards, Maruko ou, très récemment, Coman. Une actualité sur ce dernier arrêt a d’ailleurs été publiée sur le site du CEJE et peut être relue ici.
L’affaire au principal concerne une personne, MB, née de sexe masculin, mariée à une femme et qui a recouru, par la suite, à une opération chirurgicale de conversion sexuelle. MB ne dispose pas d’un certificat de reconnaissance de son changement parce que son obtention était soumise à la condition d’annuler son mariage, ce que MB et sa femme refusaient de faire. Il faut rappeler que, si le mariage entre personnes de même sexe est reconnu au Royaume-Uni depuis 2014, tel n’était pas le cas lorsque les faits du cas d’espèce se sont produits. Lorsque MB souhaite obtenir une pension de retraite, à l’âge de 60 ans, tel que prévu par la législation britannique en ce qui concerne les femmes, sa demande est rejetée au motif qu’elle ne peut pas être traitée en tant que femme car ne disposant pas du certificat de reconnaissance. La législation britannique exige donc, pour qu’une personne mariée ayant changé de sexe puisse accéder à la pension de retraite à l’âge qui lui correspond, que son mariage antérieur à la conversion soit annulé. MB considère qu’une telle condition s’oppose à la directive 79/7 relative au principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale.
La directive 79/7 interdit toute discrimination fondée sur le sexe en ce qui concerne notamment les conditions d’accès au régime de pension de retraite. De ce fait, la Cour observe qu’elle vise également les discriminations qui trouvent leur origine dans le changement de sexe de l’intéressé (point 35). S’il appartient aux États membres de déterminer les conditions de la reconnaissance juridique du changement de sexe d’une personne, la Cour de justice interprète la portée de cette notion en droit de l’Union européenne. Ainsi, dans le cadre de la directive 79/7, les personnes ayant changé de sexe sont celles « ayant vécu pendant une période significative en tant que personnes d’un autre sexe que celui de leur naissance et ayant subi une opération de conversion sexuelle » (point 35).
Compte tenu de cette définition, la Cour de justice constate que l’annulation du mariage n’est exigée que des personnes ayant changé de sexe mais pas des personnes mariées ayant conservé leur sexe de naissance. Un traitement moins favorable directement fondé sur le sexe est donc accordé à la première catégorie de personnes malgré le fait que les deux catégories sont placées dans des situations comparables (point 48). La Cour de justice conclut que la directive 79/7 s’oppose à une réglementation telle que la législation britannique qui impose une condition supplémentaire aux personnes ayant changé de sexe pour bénéficier d’une pension de retraite à l’âge correspondant au sexe acquis.
Cet arrêt adopte une notion large de « personne ayant changé de sexe » en droit de l’Union européenne même si certains aspects de la définition doivent encore être clarifiés telle que la durée de la « période significative » ou la portée de l’opération de conversion. L’arrêt permet également d’élargir la discrimination fondée sur le sexe à cette catégorie de personnes et atteint, de ce fait, un degré plus élevé de protection pour cette collectivité.
Elisabet Ruiz Cairó, "Discrimination des personnes ayant changé de sexe lors de l’accès à la retraite, la Cour de justice s’y oppose !", actualité du 29 juin 2018, disponible sur www.ceje.ch