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Ne bis in idem : application aux infractions de qualification différente ?

Mateusz Milek , 26 septembre 2025

Dans un arrêt du 11 septembre 2025, aff. C-802/23 (MSIG), la Cour de justice de l’Union européenne a apporté des clarifications intéressantes sur la portée du principe ne bis in idem consacré à l’article 54 de la Convention d’application de l’accord de Schengen et à l’article 50 de la Charte des droits fondamentaux. L’affaire concernait une dirigeante de l’organisation terroriste Euskadi Ta Askatasuna qui, en tant qu’auteure d’un attentat terroriste à Oviedo en 1997, est poursuivie devant la Cour centrale en Espagne pour avoir commis des infractions de destructions terroristes, de tentative d’assassinat terroriste et de coups et blessures.

Or, l’accusée avait déjà été condamnée en France pour des faits de « participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme ». Cette condamnation avait donné lieu à une peine de 20 ans d’emprisonnement, qu’elle a purgée en France avant sa remise aux autorités espagnoles. Néanmoins, le jugement français ne comportait aucune mention de l’attentat en cause et se limitait à faire état des actes commis sur le territoire français. Nourrissant des doutes quant à l’interprétation du principe ne bis in idem dans ce contexte juridique et factuel, le juge espagnol a décidé de surseoir à statuer et de saisir la Cour de justice à titre préjudiciel sur le fondement de l’article 267 TFUE.

Dans son arrêt, la Cour de justice a rappelé que l’application du principe ne bis in idem est soumise à une double condition : d’une part, qu’il y ait une décision antérieure définitive (condition « bis »), et, d’autre part, que les mêmes faits soient visés par la décision antérieure et par les poursuites ou décisions postérieures (condition « idem »). Selon la jurisprudence établie, la notion d’identité des faits matériels s’entend comme un ensemble de circonstances concrètes découlant d’événements identiques, en ce qu’ils impliquent le même auteur et sont indissociablement liés entre eux dans le temps et dans l’espace (aff. C-367/05 Kraaijenbrink).

Cela étant, la Cour de justice a précisé que l’éventualité de qualifications juridiques divergentes des mêmes faits dans deux Etats membres différents ne saurait faire obstacle à l’application du principe ne bis in idem. De surcroît, aux fins de l’appréciation de l’identité des faits en cause, la juridiction de renvoi devra prendre en considération non seulement les faits mentionnés dans le dispositif du jugement définitif rendu en France, mais également ceux mentionnés dans les motifs de ce jugement ainsi que ceux qui ont fait l’objet de la procédure d’instruction.

En conclusion, l’arrêt MSIG confirme que le principe ne bis in idem protège les justiciables contre une double poursuite pour les mêmes faits, indépendamment des différences de qualification juridique entre Etats membres de l’Union. Il incombera désormais à la juridiction espagnole, qui est seule compétente pour statuer sur les faits dans le cadre d’un renvoi préjudiciel, de déterminer si les faits faisant l’objet de la procédure pénale en cause au principal sont les mêmes que ceux qui ont été définitivement jugés par la juridiction française.

 

Mateusz Miłek, Ne bis in idem : application aux infractions de qualification différente ?, actualité n° 31/2025, publiée le 26 septembre 2025, par le Centre d’études juridiques européennes, disponible sur www.ceje.ch