Dans son arrêt du 29 avril 2025, Commission/Malte, aff. C‑181/23, la Cour de justice de l’Union européenne a constaté que le programme de naturalisation par investissement institué par Malte est contraire au droit de l’Union. Ce programme prévoyait l’octroi de la nationalité maltaise – et, partant, de la citoyenneté de l’Union – en échange de paiements ou d’investissements prédéterminés. Les conditions qui devaient être remplies afin qu’un investisseur puisse demander la nationalité maltaise comprenaient, entre autres, le versement d’une contribution de 600 000 euros au gouvernement maltais, l’acquisition d’un bien immobilier à usage résidentiel d’une valeur minimale de 700 000 euros, et un don d’au moins 10 000 euros à une organisation ou à une société non gouvernementale philanthropique. Estimant que ce régime portait atteinte aux règles relatives à la citoyenneté de l’Union, prévues à l’article 20 TFUE, ainsi qu’au principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, la Commission européenne a introduit un recours en manquement contre Malte devant la Cour de justice de l’Union européenne.
Dans son arrêt, la Cour a d’abord rappelé qu’en vertu de l’article 9 TUE et de l’article 20, paragraphe 1, TFUE, est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre. Selon ces mêmes dispositions, la citoyenneté de l’Union s’ajoute à la citoyenneté nationale, sans la remplacer. En outre, la déclaration n° 2 relative à la nationalité précise que la détermination de celle-ci relève du seul droit national de l’État membre concerné. A la lumière de ces considérations, la Cour a constaté que la définition des conditions d’octroi de la nationalité d’un État membre ne relève pas de la compétence de l’Union, mais de celle de chaque État membre qui dispose d’une large marge d’appréciation dans le choix des critères à appliquer.
Cela étant, la Cour a considéré que la citoyenneté de l’Union repose sur les valeurs communes consacrées à l’article 2 TUE et sur la confiance mutuelle entre les États membres, chacun présumant que les autres exercent leur compétence en matière de nationalité d’une manière compatible avec la nature même de la citoyenneté de l’Union. À cet égard, elle a rappelé sa jurisprudence établie, selon laquelle le lien de nationalité repose sur un rapport particulier de solidarité et de loyauté entre l’État membre et ses ressortissants, fondé sur une réciprocité de droits et de devoirs (aff. Rottmann). Or, un programme de naturalisation fondé sur une logique transactionnelle, tel que celui mis en place par Malte, méconnaît manifestement cette exigence.
En outre, selon une jurisprudence constante, les États membres sont tenus de reconnaître les effets juridiques attachés à l’attribution, par un autre État membre, de sa nationalité, aux fins de l’exercice des droits et libertés prévus par le droit de l’Union (aff. Micheletti, aff. Zhu et Chen). À cet égard, la Cour a estimé qu’un régime de naturalisation transactionnelle tel que celui en cause porte atteinte à la confiance mutuelle sur laquelle repose cette exigence de reconnaissance. À la lumière de l’ensemble de ces considérations, la Cour a conclu que le programme maltais violait les règles relatives à la citoyenneté de l’Union, prévues à l’article 20 TFUE, ainsi que le principe de coopération loyale prévu à l’article 4, paragraphe 3, TUE.
L’arrêt Commission/Malte constitue un développement jurisprudentiel majeur en matière de citoyenneté de l’Union. Si la Cour de justice s’était jusqu’à présent limitée à préciser les conditions dans lesquelles un État membre peut retirer la nationalité, elle se prononce ici, pour la première fois de manière explicite, sur l’exercice de la compétence nationale en matière d’octroi de celle-ci. Tout en réaffirmant une large marge d’appréciation dont disposent les États membres en la matière, la Cour de justice précise que les modalités nationales relatives à la naturalisation ne doivent constituer une « commercialisation » du statut de citoyen de l’Union.
Reproduction autorisée avec la référence suivante : Mateusz Miłek, Naturalisation par investissement et citoyenneté de l’Union européenne, actualité n° 13/2025, publiée le 6 mai 2025, par le Centre d’études juridiques européennes, disponible sur www.ceje.ch