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Examens d’intégration civique et les bénéficiaires d’une protection internationale

Mateusz Milek , 21 février 2025

La directive 2011/95 du Parlement européen et du Conseil, dite « qualification », harmonise les conditions que doivent remplir les ressortissants de pays tiers ou les apatrides pour bénéficier d’une protection internationale et détermine le contenu de cette protection. Selon l’article 34 de cette directive, les États membres sont tenus de garantir aux bénéficiaires d’une protection internationale l’accès aux programmes d’intégration afin de faciliter leur insertion dans la société. Dans son arrêt du 4 février 2025, aff. C-158/23 Keren, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé que cette disposition ne s’oppose pas, sous certaines conditions, à une législation nationale imposant aux bénéficiaires d’une protection internationale de réussir un examen d’intégration civique.

L’affaire au principal concernait un ressortissant érythréen reconnu comme bénéficiaire d'une protection internationale aux Pays-Bas. Lorsqu'il a atteint l’âge de 18 ans, les autorités néerlandaises l’ont informé de son obligation de suivre une formation d'intégration civique en vertu de la législation nationale. Toutefois, ce dernier ne s’est pas présenté à certains cours et examens et n’a pas réussi ceux auxquels il a participé. Par conséquent, les autorités lui ont infligé une amende de 500 euros et lui ont demandé de rembourser intégralement le prêt de
10 000 euros qui lui avait été accordé pour financer les frais du programme d’intégration civique, au motif qu’il ne l’avait pas accompli dans le délai imparti. Par la suite, le ressortissant érythréen a contesté cette décision devant les juridictions néerlandaises, y compris le Conseil d’État néerlandais. Ce dernier a décidé de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’un renvoi préjudiciel afin de s’assurer de la compatibilité du système néerlandais avec l’article 34 de la directive « qualification ».

En premier lieu, la Cour de justice a clarifié que l’article 34 de la directive « qualification » vise à faciliter l’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale dans la société de l’État membre d’accueil. Bien que les États membres disposent d’une marge d’appréciation quant au contenu des programmes d’intégration, cette marge ne doit pas être exercée d’une manière qui porterait atteinte à l’effet utile de la directive et méconnaîtrait le principe de proportionnalité. Ainsi, les mesures d’intégration prévues à l’article 34 de la directive 2011/95 ne doivent pas avoir pour objectif de sanctionner les bénéficiaires d’une protection internationale rencontrant des difficultés à acquérir les connaissances dispensées par ces programmes, mais de faciliter leur intégration dans la société des États membres, en tenant compte de leurs capacités individuelles. Pour cette raison, l’âge, le niveau d’éducation, la situation financière ou l’état de santé des personnes concernées doivent être pris en considération. En outre, les connaissances requises pour réussir un examen d’intégration civique devraient être fixées à un niveau élémentaire, sans excéder ce qui est nécessaire pour favoriser l’intégration et en tenant compte du fait que les personnes concernées ne sont pas encore installées durablement dans l’État membre en question. Enfin, tout bénéficiaire d’une protection internationale devrait être dispensé de l’obligation de réussir cet examen s’il parvient à démontrer qu’il est déjà effectivement intégré dans l’Etat membre d’accueil.

En second lieu, la Cour de justice a ajouté que l’échec à un tel examen ne pourrait être sanctionné par une amende que dans des cas exceptionnels, témoignant d’une absence avérée et persistante de volonté d’intégration du bénéficiaire concerné. Pour la Cour, l’amende prévue par la réglementation néerlandaise en cause, qui s’appliquait de manière systématique et pouvait atteindre jusqu’au 1 250 euros, apparaissait manifestement disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi.

Enfin, la Cour de justice a souligné que le principe de proportionnalité et l’effet utile du droit d’accès aux programmes d’intégration prévu à l’article 34 de la directive 2011/95 s’opposent à ce que les États membres fassent supporter aux bénéficiaires d’une protection internationale les frais afférents aux mesures d’intégration obligatoires. De telles mesures devraient donc, en principe, être gratuites.

En conclusion, si les États membres restent libres d’instaurer des examens d’intégration civique, ils doivent veiller à ce que les règles encadrant ces examens respectent les conditions définies par la Cour de justice dans l’arrêt Keren. Bien que la Cour reconnaisse aux États membres une large marge d’appréciation dans la définition de leur politique d’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale, elle veille à ce que ces mesures ne portent pas une atteinte disproportionnée à l’exercice effectif des droits conférés par la directive « qualification ». Cet équilibre permet ainsi de concilier les objectifs nationaux d’intégration avec la préservation de l’effet utile de cette directive et le respect du principe de proportionnalité.

Reproduction autorisée avec la référence suivante : Mateusz Miłek, Examens d’intégration civique et les bénéficiaires d’une protection internationale, actualité n° 5/2025, publiée le 21 février 2025, par le Centre d’études juridiques européennes, disponible sur www.ceje.ch