En application de la clause de retrait contenue à l’article 50 TUE, le Royaume-Uni a cessé d’être membre de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l'énergie atomique (CEEA ou Euratom) le 31 janvier 2020 à la suite du référendum du « Brexit » opposant les citoyens britanniques entre Leave et Remain. La participation du Royaume-Uni à l’Union permettait à ses citoyens de bénéficier des droits conférés par le droit de l’Union, dont le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans l’Etat membre de résidence, en vertu de l’article 21, paragraphe 1, TFUE, ainsi qu’aux élections au Parlement européen, en vertu de l’article 22, paragraphe 2, TFUE et de l’article 39 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Saisie d’une demande de décision préjudicielle par le tribunal judiciaire d’Auch (France), la Cour de justice de l’Union européenne a statué sur la question de savoir si les ressortissants du Royaume-Uni peuvent encore participer, après la sortie de cet État de l’Union européenne, aux élections au Parlement européen.
Dans l’arrêt Préfet du Gers II (C-716/22), la Cour de justice apporte des éléments complémentaires à ceux fournis dans l’arrêt préjudiciel dans l’affaire Préfet du Gers I (C-673/20). Dans cette affaire rendue en juin 2022, elle a jugé que les ressortissants du Royaume-Uni ne peuvent plus exercer le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales dans leur Etat membre de résidence. Dans les deux affaires, EP, une ressortissante du Royaume-Uni résidant depuis quarante ans en France s’oppose au préfet du Gers et à l’Institut national de la statistique et des études économiques au motif de sa radiation des listes électorales en France après le 1er février 2020 (date de l’entrée en vigueur de l’accord de retrait du Royaume-Uni).
Dans son arrêt Préfet du Gers II rendu le 18 mars 2024, la Cour rappelle que pour qu’une personne puisse bénéficier du statut de citoyen de l’Union, elle doit posséder, au sens des articles 9 et 21 TFUE, la nationalité d’un Etat membre. Or, à la suite de la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, les traités ont cessé de lui être applicables. Par renvoi à l’arrêt Préfet du Gers I (C-673/20), la Cour considère que la perte du statut de citoyen de l’Union par les ressortissants d’un ancien Etat membre, désormais Etat tiers, découle du choix souverain de cet Etat. Les autorités compétentes des Etats membres ni aux juridictions de ceux-ci sont tenues de procéder à un examen individuel de la situation des personnes concernées par cette décision souveraine. En ne bénéficiant plus du statut de citoyens de l’Union, les citoyens britanniques n’ont plus la possibilité d’exercer le droit de vote et d’éligibilité aux élections au Parlement européen dans l’État membre de résidence.
En réponse à la question de la compatibilité d’une telle interprétation de l’accord de retrait avec les droits fondamentaux consacrés par la CEDH, la Cour rappelle que cette convention ne constitue pas un instrument juridique formellement intégré à l’ordre juridique de l’Union, du moment que l’Union n’y a pas encore adhéré (Facebook Ireland et Schrems, C-311/18). Dès lors, l’examen de validité des actes de droit de l’Union doit être opéré par rapport aux droits garantis dans la Charte des droits fondamentaux. Or, les ressortissants du Royaume-Uni ne sauraient se prévaloir des droits garantis par la Charte ni de certaines dispositions du TFUE, afin de revendiquer le droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen. Ces droits, qui sont conférés par le droit de l’Union, sont réservés aux citoyens de celle-ci et les ressortissants d’un État tiers pendant et après la période de transition dans le processus de sortie de l’UE sont donc exclus.
La Cour a également exclu la possibilité d’appliquer dans l’affaire en cause le raisonnement développé dans l’arrêt Espagne c. Royaume-Uni (C-145/04), qui concernait l’octroi par le Royaume-Uni du droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen à des ressortissants du Commonwealth résidant sur son territoire et qui n’avaient pas la qualité de ressortissants d’un Etat membre de l’UE. La Cour distingue clairement deux situations : d’une part, l’octroi par les Etats membres du droit de vote et d’éligibilité au Parlement européen à des personnes qui ne sont pas citoyens de l’Union, dont il était question dans l’affaire susmentionnée et, d’autre part, l’octroi de ce droit à des personnes qui ne sont plus citoyens de l’Union. Les institutions de l’Union ne sont pas tenues d’accorder, de manière unilatérale, aux ressortissants de pays tiers des droits qui sont, en vertu des traités, réservés aux citoyens de l’Union. Aucun élément est, par conséquent, de nature à affecter la validité de la décision relative à la conclusion de l’accord de retrait avec le droit de l’Union.
Dans le cadre des négociations de l’accord de retrait, le maintien de droits politiques pour les ressortissants du Royaume-Uni avait représenté un point de désaccord important. L’équipe de négociation du Royaume-Uni défendait un système basé sur une réciprocité dans l’exercice de ces droits, tandis que l’équipe de négociation de l’Union soulignait que les traités réservent ce droit aux citoyens de l’Union en tant que ressortissants des Etats membres. En conclusion, la Cour de justice trace une ligne claire qui exclut définitivement l’applicabilité des droits découlant du statut de citoyen de l’Union européenne à des « anciens » citoyens de l’Union pendant et après le processus de sortie de celle-ci.
Reproduction autorisée avec la référence suivante : Sara Notario, Brexit : fin de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité pour les ressortissants britanniques aux élections au Parlement européen, actualité n° 16/2024, publiée le 13 mai 2024, par le Centre d’études juridiques européennes, disponible sur www.ceje.ch