Le 6 juin 2023, le Parlement européen et le Conseil sont parvenus à un accord politique final sur le contenu du nouvel instrument anticoercitif qui vise à renforcer la protection des intérêts économiques de l’Union européenne sur la scène internationale. Ce nouvel instrument de défense commerciale qui sera adopté sur la base de l’article 207, paragraphe 2, du TFUE, devra permettre à l’Union européenne et à ses Etats membres de répondre efficacement aux mesures de coercition économique émanant de pays tiers. La coercition économique constitue « une situation dans laquelle un pays tiers cherche à faire pression sur l’Union ou sur un État membre pour l’inciter à opérer un choix stratégique particulier, en appliquant ou en menaçant d’appliquer, à l’égard de l’Union ou de l’État membre, des mesures qui affectent le commerce ou les investissements ».
A la demande du Parlement européen et du Conseil, la Commission européenne a présenté la proposition du règlement « anti-coercition » en décembre 2021 (pour un premier commentaire, voir actualité du CEJE n° 14/2022). Les négociations interinstitutionnelles sur le contenu du règlement proposé se sont poursuivies tout au long de l’année 2022. Le 28 mars 2023, le Parlement européen et le Conseil ont trouvé l’accord sur les aspects essentiels du nouvel outil concernant notamment les délais et l’équilibre institutionnel dans la mise en œuvre des mécanismes anticoercitifs.
L’instrument anticoercitif vise tout d’abord à dissuader les pays tiers de cibler l'Union européenne et ses Etats membres avec des mesures de coercition économique affectant le commerce européen. En cas de présence d’une coercition économique, le règlement proposé prévoit que l’Union et ses Etas membres devraient entrer en dialogue avec le pays tiers engagé dans l’action coercitive. Si la situation de coercition ne peut pas être remédiée par voie de coopération et de dialogue, l’Union européenne pourra recourir à différentes contre-mesures à l’égard du pays exerçant la coercition. La mise en œuvre des contre-mesures constitue la solution « de dernier ressort » qui sera utilisée uniquement en cas d’échec de la coopération avec le pays tiers concerné. La liste des contre-mesures potentielles comprend, entre autres, l’institution de droits de douane, de licences d'importation ou d'exportation, ou de restrictions dans le domaine des services ou des marchés publics. Au surplus, l’Union européenne pourra demander au pays fautif de réparer le préjudice causé par ses actions coercitives.
Le Conseil de l’Union européenne jouera un rôle crucial dans la détermination de l’existence de la situation de la coercition économique. Les délais contraignants pour déterminer s’il y a eu coercition et pour adopter des contre-mesures, qui avaient été insérés dans l’instrument sur l’initiative du Parlement européen, devront garantir l’application rapide et efficace des nouveaux mécanismes.
L’entrée en vigueur du règlement « anti-coercition » est prévue à l’automne 2023. L’adoption de l’instrument marquera un pas crucial dans la construction du régime de protection des intérêts économiques de l’Union européenne contre les menaces économiques provenant de pays tiers. Comme le souligne Valdis Dombrovski, vice-président exécutif de la Commission européenne, le nouveau cadre juridique constitue « une avancée majeure » pour l’Union qui lui permettra de faire preuve d’une plus grande fermeté dans la défense de ses droits et intérêts légitimes. La protection du commerce européen contre les ingérences étrangères constitue la préoccupation continue des institutions de l’Union. Dans les prochains jours, la Commission européenne présentera la stratégie européenne en matière de sécurité économique.
Les initiatives de l’Union européenne s’inscrivent dans le contexte plus large de la recherche des solutions efficaces dans la lutte contre la coercition économique à l’échelle mondiale. Au cours du dernier Sommet du G7 à Hiroshima, les membres du Groupe G7 ont mis l’accent particulier sur la nécessité de coopération internationale dans la lutte contre la prolifération des mesures coercitives. En février 2023, des sénateurs américains ont introduit un projet de loi (Countering Economic Coercion Act of 2023) visant à octroyer au Président des Etats-Unis de larges pouvoirs pour combattre la coercition étrangère.
Alicja Słowik, Accord politique pour un nouvel instrument anticoercitif de l’UE, actualité du CEJE n° 20/2023, 8 juin 2023, disponible sur www.ceje.ch