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Signature par l’Union européenne de l’accord concernant les activités opérationnelles menées par (Frontex) en République de Macédoine du Nord

Saud Ahmed , 18 novembre 2022

Le 26 octobre 2022, l’Union européenne et la Macédoine du Nord ont signé un accord concernant les activités opérationnelles menées par l’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes en République de Macédoine du Nord (l’accord). Le projet de décision relative à la conclusion de l’accord devra recevoir l’approbation du Parlement européen et ensuite être adopté par le Conseil de l’Union européenne. Cet accord a pour objet de régir tous les aspects nécessaires au déploiement des équipes affectées à la gestion des frontières issues du contingent permanent du corps de garde-frontières et de garde-côtes européens en République de Macédoine du Nord, où les membres des équipes peuvent exercer des pouvoirs exécutifs. Le préambule de l’accord mentionne également l’objectif de prévenir l’augmentation de l’immigration irrégulière et de la criminalité transfrontière. Pour la mise en œuvre de l’accord, un plan opérationnel contraignant est convenu entre les deux parties contractantes (article 4 de l’accord), au sens des articles 38 et 74 du règlement 2019/1896 relatif au corps européen de garde-frontières et de garde-côtes, qui permettra à Frontex d’aider la Macédoine du Nord dans la gestion des frontières, de mener des opérations conjointes et de déployer du personnel à la frontière de l’UE et à la frontière de la Macédoine du Nord.

Le plan opérationnel expose de manière détaillée les aspects organisationnels et procéduraux sur des domaines essentiels tels que la sécurité ou les droits fondamentaux. Il prévoit notamment un système de rapports et d’évaluation concernant la protection des droits fondamentaux, des instructions générales sur la manière de garantir la protection des droits fondamentaux pendant les activités opérationnelles de l’Agence Frontex,  un système concernant la notification immédiate aux autorités compétentes de tout incident survenu dans le cadre d’une activité opérationnelle et des procédures établissant un mécanisme pour recevoir et transmettre aux deux parties contractantes les plaintes contre toute personne participant aux activités opérationnelles.

L’accord met l’accent sur la nécessité de respecter les droits fondamentaux dans le cadre des activités opérationnelles. L’article 8 de l’accord prévoit que les deux parties doivent agir en conformité avec les instruments internationaux protégeant les droits de l’homme tels que la Convention européenne des droits de l’Homme, la convention relative au statut des réfugiés et son protocole, la convention relative aux droits des personnes handicapées, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Cependant, lors de leurs activités opérationnelles, les équipes affectées à la gestion des frontières peuvent prendre des mesures, tel que l’usage des forces, lesquelles peuvent porter atteinte aux droits fondamentaux. Les actions doivent cependant être nécessaires et proportionnelles aux objectifs poursuivis par ces mesures. Le respect des droits fondamentaux est assuré par « des contrôleurs des droits fondamentaux » qui doivent être affectés à chaque activité opérationnelle (article 9 de l’accord).

L’article 12 de l’accord prévoit que les membres des équipes sont bénéficiaires de privilèges et d’immunités au sein de la Macédoine du Nord. En effet, ils ne peuvent pas faire l’objet d’enquête ou de procédure judiciaire en République de Macédoine du Nord sauf dans les circonstances prévues à l’article 12, paragraphe 2, de l’accord. Lorsque la Macédoine du Nord a l’intention d’engager une procédure judiciaire contre un membre des équipes devant une juridiction dudit pays, il faut que les autorités compétentes le notifient immédiatement au directeur exécutif de l’Agence Frontex. Ce dernier indiquera ensuite si le membre des équipes a accompli l’acte en question dans l’exercice de ses fonctions officielles. Si cela est le cas, la procédure ne peut être engagée par la Macédoine du Nord. En d’autres termes, le directeur exécutif décide unilatéralement s’il renonce aux privilèges et aux immunités du membre de l’équipe mis en cause par la Macédoine du Nord.

L’article 12, paragraphe 5, de l’accord stipule que la Macédoine du Nord sera responsable en cas de dommages causés par les équipes à des tiers. Il existe cependant des exceptions dans le cas de dommage causé par négligence grave ou faute intentionnelle (article 12, paragraphe 6, de l’accord) où l’Agence serait responsable.

En cas de violation de l’accord, le directeur exécutif de l’Agence Frontex peut, en vertu de l’article 18 de l’accord, suspendre ou mettre fin aux financements ou aux activités opérationnelles. La Macédoine du Nord peut également demander de suspendre ou mettre fin à une activité opérationnelle en cas de violation de l’accord par un membre des équipes. Cependant, la Macédoine du Nord doit faire cette demande par écrit et doit préciser les motifs au directeur exécutif de l’Agence.

En vertu de l’article 21 de l’accord, les différends relatifs à l’application ou à l’interprétation de l’accord ne seront pas réglés de manière contentieuse, mais par négociation entre l’Union européenne et la Macédoine du Nord.

Il convient de se poser la question si le système de plainte instauré par l’accord est efficace en cas de violations des droits fondamentaux par des membres des équipes de l’Agence Frontex. En effet, premièrement, les membres des équipes ne peuvent faire l’objet d’enquête ou de procédure judiciaire par les autorités de la Macédoine du Nord que dans certains cas prévus à l’article 12, paragraphe 2, de l’accord. Par exemple, les membres des équipes jouissent de l’immunité de la juridiction civile et administrative de la Macédoine du Nord en ce qui concerne tous les actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions officielles. Cependant, l’accord ne précise pas si les membres des équipes peuvent faire l’objet d’enquête ou de procédure judiciaire par les autorités de l’Agence Frontex. Deuxièmement, la décision d’engager une procédure de plainte par les autorités de la Macédoine du Nord ne sera acceptée que dans la situation où le directeur exécutif de l’Agence approuve unilatéralement l’enquête ou la procédure judiciaire.

Saud Ahmed, Signature par l’Union européenne de l’accord concernant les activités opérationnelles menées par (Frontex) en République de Macédoine du Nord, actualité du CEJE n° 27/2022, 18 novembre 2022, disponible sur www.ceje.ch