La Commission européenne a adopté, en février 2021, sa nouvelle stratégie commerciale, laquelle sera, selon ses propres mots, « ouverte, durable et affirmée ». Ces trois adjectifs peuvent effectivement lui être attribués.
La politique commerciale de l’Union européenne sera ouverte au multilatéralisme. La Commission européenne compte promouvoir la réforme de l’OMC et reprend, dans sa nouvelle stratégie, les priorités de l’Union européenne établies dans la proposition de réforme de 2018. La Commission européenne souhaite, en premier lieu, moderniser les règles de l’OMC en ce qui concerne, notamment, le développement durable et les aides d’État. La deuxième priorité concerne la réforme du mécanisme de règlement des différends de l’OMC. L’ouverture de la stratégie commerciale se reflète également dans la volonté d’étendre les partenariats bilatéraux. La Commission européenne souhaite se focaliser sur l’Afrique et envisage un accord « de continent à continent » suite à l’adoption de la zone de libre échange d’Afrique continentale (en anglais, « African Continental Free Trade Area » ou « AfCTA »). La Commission européenne veut aussi proposer une initiative d’investissement durable aux partenaires africains, soit à travers la négociation d’accords d’investissement séparés, soit à travers la modernisation des accords commerciaux préexistants. La priorité commerciale tournée vers l’Afrique constitue une différence notable par rapport à la stratégie commerciale de 2015, laquelle semblait donner la priorité au commerce avec l’Asie. La Commission européenne souhaite aussi avancer dans la négociation et conclusion d’accords bilatéraux de libre-échange. Elle veut notamment que les accords avec le Mercosur et le Mexique soient ratifiés et que les négociations avec le Chili, l’Australie et la Nouvelle-Zélande soient finalisées.
La politique commerciale de l’Union européenne sera également durable. La Commission européenne vise une politique commerciale cohérente avec le « European Green Deal » et permettant d’atteindre la neutralité climatique en 2050. La Commission veut introduire des règles en matière de développement durable au sein de l’OMC et poursuivre un agenda écologique avec les membres de cette organisation internationale qui partagent des objectifs similaires. Au niveau bilatéral, la nouvelle stratégie propose d’inclure un chapitre sur les systèmes alimentaires durables dans les accords de libre-échange. Elle veut aussi renforcer la mise en œuvre des dispositions introduites dans les accords bilatéraux sur le respect de l’accord de Paris, de la Convention sur la biodiversité et sur l’interdiction du travail des enfants. La Commission européenne veut, enfin, introduire des mesures autonomes pour promouvoir le développement durable. Elle mentionne le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, une proposition législative pour la lutte contre la déforestation et une proposition législative sur la gouvernance durable des sociétés (en anglais, « sustainable corporate governance »).
La politique commerciale de l’Union européenne sera, enfin, affirmée. Si la Commission européenne souligne sa volonté de promouvoir un multilatéralisme basé sur les règles, elle veut néanmoins avoir les outils pour se défendre en cas de pratiques déloyales d’autres États. La Commission européenne a nommé, le 1er décembre 2020, un agent pour l’application des mesures commerciales (en anglais, « Chief Trade Enforcement Officer ») pour garantir l’application correcte des accords commerciaux. La Commission européenne compte utiliser tous les mécanismes à disposition pour faire respecter les engagements des partenaires commerciaux : le mécanisme de règlement des différends de l’OMC, les mécanismes de règlement des différends prévus dans les accords de libre-échange, et les mesures unilatérales. L’Union européenne a adopté un nouveau règlement pour le respect et l’application des règles du commerce international, un règlement sur le filtrage des investissements, et proposé un nouveau règlement de contrôle des exportations. Elle veut désormais proposer un nouvel instrument législatif pour protéger l’Union face aux mesures coercitives prises par des pays tiers.
La Commission européenne insiste aussi sur la transition digitale, l’objectif étant de devenir le leader global dans la mise en place de standards dans la réglementation digitale, notamment en ce qui concerne la protection des données.
La nouvelle stratégie commerciale marque une évolution notable par rapport à la stratégie du Commerce pour tous de 2015. Elle répond à l’obligation d’intégrer les objectifs de l’article 21 TUE dans la politique commerciale de l’Union européenne. La nécessité de mener une politique commerciale basée sur des valeurs était déjà présente dans la stratégie de 2015 mais cela devient désormais une priorité. La nouvelle stratégie est beaucoup plus assurée en ce qui concerne la défense contre les pratiques commerciales déloyales et le respect des engagements pris par les partenaires. La stratégie de 2021 insiste moins sur la transparence que celle de 2015, même si la Commission européenne rappelle son engagement sur ce point et affirme qu’elle renforcera le dialogue avec la société civile. Consciente des réticences actuelles au multilatéralisme et à la globalisation, la Commission européenne semble adopter, dans la nouvelle stratégie commerciale, un ton plus austère en ce qui concerne le développement du commerce international et adopte une position plus équilibrée entre libéralisation et protection.
Elisabet Ruiz Cairó, La politique commerciale de l’Union européenne – ouverte, durable et affirmée, actualité du CEJE n° 7/2021, disponible sur www.ceje.ch